Title: Les effets de la violence organis
1Les effets de la violence organisée sur le
processus dintégration des immigrants réfugiés
- Le cas des Colombiens dans la région de lHaute
Yamaska ( Québec) - Par Roxana Cledon candidate à la maîtrise.
- École de criminologie de lUniversité de Montréal
- Mai 2010
2Une hausse significative de la vague migratoire
colombienne vers le Canada est remarquée depuis
lan 2000, particulièrement dans la catégorie des
réfugiés.
-
- Cette vague est différente des autres vagues
migratoires latino-américaines à cause de
lhétérogénéité des motifs et des modalités de
limmigration ainsi que du profil des immigrants.
De toutes les vagues migratoires
latino-américaines, la colombienne est celle qui
a connu le rythme le plus accéléré de croissance.
(Riano, Colorado, Diaz et Osorio (2008)
3En Haute Yamaska
- Il y a un total de 85.405 habitants. Le total
dimmigrants dans la région est de 2845 dont 970
sont arrivés entre 2001 et 2006 (Statistique
Canada 2010). Selon les données recueillies
auprès de lorganisme daccueil des immigrants
dans la région, les Colombiens sont arrivés à
partir de lannée 2000 et ils sont près de 700
personnes, ce qui représente approximativement le
72 de limmigration accueillie à lintérieur des
5 ans du dernier recensement et le 24 du total
dimmigrants arrivés dans la région. Statistique
Canada (2010) indique que 1265 immigrants sont
arrivés avant 1991 et 605 entre 1991 et 2000.
4Les intervenants locaux se questionnent sur
- Le comportement violent de certains jeunes.
- Les cas de violence familiale ( la violence
conjugale et la violence envers les enfants) - Leur rapport avec la loi
- Leur réputation
- Leur méfiance
5Historique
- Le conflit armé en Colombie est le troisième
conflit le plus long du monde, après celui entre
la Palestine et Israël et celui entre lInde et
le Pakistan (PNUD, 2003) Il commença en 1964 avec
la formation des Forces Armées Révolutionnaires
de la Colombie (FARC). À la lutte des FARC répond
la répression de lÉtat par larmée et la police
( Lazzeri, Du Bois 2005). Durant les années
1980 les FARC ont graduellement exercé un
contrôle sur les populations et se sont lancés
dans le commerce de drogues comme la cocaïne et
lhéroïne pour renforcer leur capacité économique
et darmement afin détendre leur influence
(Rubio, 1999). - Des groupes dautodéfense nommés paramilitaires
se sont formés en réaction aux actions des FARC.
Ces forces paramilitaires, avec leurs approches
répressives et illégales, sont toujours actives.
Elles sont constituées de milices privées qui
coopèrent étroitement avec les forces
gouvernementales (Lazzeri, Du Bois 2005) Elles
commettent des assassinats, des massacres, des
enlèvements et des déportations en masse - La violence engendrée par ce conflit a poussé des
milliers de Colombiens à lexil.
6La violence organisée
- Nous avons recensé des définitions du concept
de violence organisée, abus de pouvoir et
violence politique. Ces définitions sont
comparables, elles sentrecroisent. Dans tous les
cas on retrouve lusage abusif de la force pour
obtenir ou conserver le pouvoir.
7- Pour les fins de la présentation, nous
utiliserons le terme violence organisée parce que
plus englobant. Les termes abus de pouvoir,
violence politique et terrorisme dÉtat y sont
compris. Dans le cas de la Colombie, la violence
organisée est le produit de la convergence du
terrorisme dÉtat, de la violence de la guérilla
et de la violence produite par les groupes de
narcotrafiquants, tous cherchant à contrôler la
population au moyen de la terreur et gagner le
pouvoir par la force.
8Objectifs et effets de la violence organisée
- La terreur agirait comme dissuasion et
génèrerait des mécanismes de démobilisation
sociale à travers la destruction physique des
opposants au pouvoir et à travers la destruction
des organisations politiques, sociales et
communautaires (Duhalde, 1987). La violence
organisée a aussi comme objectif la destruction
des liens sociaux (Rousseau, 2000). Dans certains
cas elle imposerait le silence par la terreur.
Elle sattaquerait à la mémoire collective et
imposerait la méfiance comme méthode de survie,
ce qui endommagerait encore plus le tissu social
( Duhalde 1982 Kordon 1992 Rousseau, 1998
Taussig, 1992 Vinar, 1989). Elle provoquerait
une impression dabsurdité tant chez les
individus que dans les communautés
9- La violence organisée amène des conséquences
sur le plan individuel et collectif. Elle conduit
à une augmentation de la violence commune. Parmi
les conséquences identifiées on retrouve le
stress post-traumatique, concept autour duquel
une discussion sest établie. Cette discussion
démontre lenchevêtrement entre des conséquences
individuelles et des conséquences collectives.
Finalement la violence organisée pousse les
personnes à lexil et produit des réfugiés.
10- La violence politique structurerait
lapprentissage de comportements agressifs et
violents par les enfants et les jeunes qui vivent
dans ce contexte (Chaux, 2003). Les études
empiriques montrent une relation entre la
violence structurelle (organisée) et la violence
interpersonnelle (Rojas Viger, 2000). Lauteur
explique que dans la vie quotidienne des
familles, comme cest le cas entre le politique
et les habitants, se reproduit un jeu de pouvoir
asymétrique, cette fois entre lhomme et la femme
ainsi quentre les parents et leurs enfants. Ce
que lauteur nomme lintériorisation de la
domination, sinstalle dans lespace psychique
et fait apparaître la violence comme un
comportement normal et les valeurs déquité dans
les relations humaines et de solidarité
sestompent graduellement.
11- Des recherches portant sur la participation
de jeunes Colombiens à la violence politique et à
la violence commune montrent que les contextes de
socialisation primaire et secondaire se
caractérisent par des relations autoritaires qui
modèlent lapprentissage de comportements
violents. Les situations de violence familiale,
dabandon ou de permissivité exagérée de même que
lobéissance aveugle à lautorité qui résulte des
punitions sévères sans explications,
contribueraient à la légitimation des
comportements violents. Quant à la socialisation
secondaire, même les écoles en viennent à
sorganiser en espaces de reproduction des
inégalités sociales, du racisme, de lexclusion,
de la violence, de limposition des modèles
autoritaires ainsi que du manque de
reconnaissance de laltérité. Finalement, les
positions de pouvoir des groupes armés dans les
communautés et le débordement des crimes violents
amèneraient les individus à banaliser la
violence, à devenir insensible aux souffrances
des victimes et même à voir dans la violence une
opportunité daméliorer son statut social,
dacquérir plus de pouvoir et dargent (Riano,
2005).
12- Cusson et Proulx (1999) précisent que le
niveau de violence criminelle dans les pays
occidentaux est plus bas actuellement quil y a
quelques siècles. Lexplication de ce déclin
serait dune part l effet de la monopolisation
de la violence légitime par lÉtat et dune autre
lacquisition dune meilleure maîtrise de soi par
lindividu. Les individus se sentiraient mieux
protégés par la force publique aujourdhui que,
par exemple, durant le Moyen Âge.
13- Daprès les données que le gouvernement
colombien publie sur lInternet, la plupart des
crimes commis dans ce pays nont pas une relation
directe avec la guerre interne et 80 des
homicides ne se commettraient pas dans le cadre
du conflit armé. Ils résulteraient plutôt de la
délinquance commune et de la violence
interpersonnelle.
14- LÉtat colombien narrive pas à assurer la
sécurité des citoyens depuis trois générations ce
qui a par effet, entre autres, que la violence
interpersonnelle ne décline pas en Colombie.
15Un effet des violences le traumatisme
- Rousseau (2000) propose de se questionner sur
le traumatisme. Le traumatisme qui serait une
conséquence de la violence subie, serait soumis à
linterprétation dune tierce partie, la partie
qui écoute le récit de la victime
16- Lauteure nous propose de considérer le
traumatisme produit par la violence organisée
comme lirruption du non-sens, de labsurdité,
de la désorganisation de lunivers symbolique.
Elle nous propose danalyser lempreinte du
traumatisme à trois niveaux personnel, familial
et communautaire. Sur le plan individuel, les
différents mécanismes de répétition
réactualiseraient lexpérience traumatique comme
une blessure impossible à guérir. À la
répétition, sopposerait lévitement, loubli, la
distance émotionnelle, le bris du lien social.
Tous ces symptômes devraient être, selon
lauteure, interprétés comme des construits dans
un contexte culturel spécifique. Ce qui rendrait
un sens au passé pourrait donner des formes
dexpression particulières à la souffrance et,
éventuellement, ouvrir la porte à une voie de
reconstruction.
17Discussion du modèle dinterprétation médical du
traumatisme
- La souffrance psychologique des réfugiés est
souvent interprétée, dans le pays daccueil, à
travers le modèle médical, sous le nom de
syndrome de stress post-traumatique. - Ce regard aurait comme effet une normalisation de
la pathologie sociale. Lindividu deviendrait le
porteur du poids de cette pathologie sociale. Ses
réponses physiologiques et psychologiques à la
terreur seraient interprétées comme la
manifestation de cette pathologie
18- Le diagnostic médical du syndrome de stress
post-traumatique efface la distinction entre
victimes et agresseurs et limite le traumatisme à
une signification de maladie, en le vidant de son
sens historique et social.
19Être réfugié
- Définition comprise dans la résolution 428(V)
de lAssemblée générale de lHaut Commissariat
pour les Réfugiés du 14 décembre de 1950 un
réfugié est essentiellement toute personne qui,
craignant avec raison d'être persécutée du fait
de sa race, de sa religion, de sa nationalité ou
de ses opinions politiques, se trouve hors du
pays dont elle a la nationalité.
20Le processus migratoire
- La personne qui part à lexil ne pense ni aux
nouveaux défis dune migration internationale, ni
aux souvenirs de la violence directe ou
indirecte. Plus tard cependant, ces réminiscences
émergeraient et auraient un impact dans le
processus dintégration - Les premiers mois suivant larrivée dans le pays
daccueil se caractérisent par une période de
surcompensation. - Une phase de deuil et de crise sinstalle par
après. - Certains symptômes dépressifs émergent. Ceux qui
ont vécu des expériences de guerre ou de
persécution peuvent développer un ou plusieurs
symptômes physiques ou psychologiques - Au fil des ans, le récit des événements qui ont
précédé le départ du pays dorigine participe à
forger un mythe constitutif de lidentité
individuelle et familiale. Graduellement, ce
récit se transforme pour répondre aux besoins de
la continuité, de la cohérence et de lestime de
soi (Altamirano,1999)
21- La mémoire familiale
- Elle jouerait plusieurs fonctions symboliques
dont la première serait de légitimer le départ.
La décision démigrer les couperait de leur
histoire passée. Le projet migratoire les
marginaliserait de leur société dorigine.
Limmigrant, celui qui a quitté, a pris une
décision hors norme et la mémoire familiale se
doit de la justifier et de lui donner sens. (
Vatz Laaroussi,2001) - La perspective de lethnopsychiatrie une
analyse du discours - La perspective ethnopsychiatrique offre un cadre
théorique pour travailler la reconstruction du
sens et de lidentité des réfugiés à partir du
récit de leur histoire, ce qui permettrait au
réfugié de saffilier à ses origines et de se
retrouver dans une certaine continuité
existentielle. (Pocreau et Martins Borges,2006)
22- Le réfugié serait confronté au défi dune
activité restitutive du sens de son vécu. Comme
Rousseau (2000) le souligne, le vécu de violence
introduirait le non-sens, lincohérence - La réparation nécessiterait de la
reconnaissance de lAutre et de la
reconnaissance du groupe social par rapport aux
blessures et à la souffrance. La réparation
apaiserait la revendication comme expression de
cette souffrance et ouvrirait la porte au pardon
23Histoire familiale et mémoire taboue
- Dans le cas des familles réfugiées colombiennes,
la mémoire familiale, au lieu de dévoiler
lhistoire et dy inscrire les acteurs,
fonctionnerait plutôt comme un écran qui agit
comme filtre dune histoire sociale et politique
taboue - Lhistoire taboue serait portée par des
populations qui subissent dans leurs pays
dorigine, des violences dont il leur serait
impossible de témoigner. Ces populations
migrantes entretiennent des liens de méfiance et
danxiété à légard de leur propre communauté
ethnique, cest le cas par exemple des Colombiens
( Vatz Laaroussi ,2009) - La méfiance et la précaution face aux autres en
général constitueraient un obstacle à leur
intégration
24Lintégratrion
- Aux fins de notre travail nous adoptons la
définition du concept dintégration suivante - Processus dadaptation à long terme,
multidimensionnel et distinct de lassimilation.
Ce processus dans lequel la maîtrise de la langue
daccueil joue un rôle moteur essentiel, nest
achevé que lorsque limmigrant ou ses descendants
participent pleinement à lensemble de la vie
collective de la société daccueil et ont
développé un sentiment dappartenance à son
égard (Lafortune et Gaudet ,2000).
25Certains faits inquiétaient les intervenants
- Les actes de vandalisme, les vols, les batailles
- Bagarres et insultes dans lécole ans entre
Colombiens et Québécois - Intimidation et lettres de menace entre
Colombiens - La possible formation dune gang
- Un jeune Colombien a sorti un couteau contre un
jeune Québécois - Vol de camera de photos au sein de la troupe de
danse - Voiture du ami dun membre de la troupe
vandalisée - Voitures des familles colombiennes vandalisées
- Batailles entre des adultes
-
26Le point de vue des intervenants scolaires sur le
problème des jeunes
- Perception négative sur lengagement de certains
jeunes pour apprendre le français - Certains jeunes ne voudraient pas être au Québec
- Certains jeunes auraient vécu des situations
traumatisantes - Certains jeunes seraient fragiles
émotionnellement - Ces jeunes auraient des besoins particuliers
- La différence entre les jeunes qui arrivent à
bien sintégrer et ceux qui éprouvent de la
difficulté serait due à différents facteurs - ( lhistoire vécue, la dynamique familiale,la
personnalité etc.)
27Le point de vue des intervenants de lorganisme
daccueil et aide à lintégration
- les jeunes seraient contents dêtre au Québéc.
- la difficulté reliée à lapprentissage de la
langue serait un des problèmes importants - certains parents auraient de la difficulté pour
encadrer leurs enfants - il y aurait une infantilisation des parents
- limplication des enfants dans leur processus
dintégration serait reliée aux valeurs
véhiculées à la maison - la communauté colombienne sinquièterait par
limage projetée par ces jeunes ( la réputation) - la communauté demanderait plus de punitions
28- Les jeunes colombiens cherchent une façon de
démontrer quils viennent dailleurs, quils ont
déjà connu de choses pas mal plus violentes que
ce qui peuvent vivre les jeunes dici, cest une
manière de se faire reconnaître - Les adultes
- Les gens qui étaient déjà des gens à problèmes
là-bas, reproduiraient la même dynamique ici. Les
gens qui étaient corrects là-bas le seraient
aussi ici. - Ce nest pas vrai que tous ceux qui ont été
victimisés reproduiront la violence. Souvent ils
veulent que leur futur soit complètement
différent
29La mémoire des jeunes sur la violence vécue en
Colombie
- Les groupes armés étaient présents là où ils
habitaient - Ces groupes volaient, éxtorsionnaient, menaçaient
la population - Ces groupes commettaient des assassinats
- Les assassins nétaient pas identifiés
- La police nétait pas présente dans ces quartiers
- Ils se rappellent davoir vu les morts des
confrontations entre des groupes armés - Les corps des morts pouvaient être jetés au
fleuve - Les jeunes manifestent être insensibles à cette
violence - Discussion sur le ménage social œuvre des
paramilitaires - Certains jeunes de lécole en Colombie
consommaient de la drogue et étaient agressifs - En Colombie les personnes tuées sont
quotidiennement dans les journaux
30Les jeunes sexpriment sur leur expérience en
Colombie et au Québec
- En Colombie certains jeunes à lécole étaient
très violents - Il y avait du trafic de drogues dans certaines
écoles - Certains jeunes étaient armés ( couteaux)
- En Colombie il y avait des assassinats dans les
écoles - Ils apprécient quau Québec ils ne sont pas
exposés à le stress de la violence - En Colombie les professeurs pouvaient être
violents envers les jeunes et les jeunes envers
les professeurs - Les jeunes apprécient quau Québec les
punissions physiques ne sont pas pratiquées par
les professeurs - Les jeunes valorisent lopportunité détudier
- Certains jeunes ont été victimes de
discrimination de la part des jeunes québécois - Certains jeunes ont été victimes de
discrimination de la part dautres jeunes
colombiens ici, au Québec - ils risquent de vivre plus la discrimination à
leur arrivée, quand ils ne connaissent personne - Certains pensent que les Québécois sont ouverts
et aidants - Face à la discrimination certains jeunes ont
demandé de laide à un intervenant - Une stratégie souvent utilisée est séloigner des
intimidateurs
31La perception des jeunes sur les lois qui les
protègent au Québec
- Selon les jeunes les parents nauraient pas le
droit de les frapper car ils pourraient se faire
arrêter par la police - Certains jeunes diraient aux nouveaux arrivés que
la DPJ les protège de leurs parents - Certains jeunes pensent que les parents
pourraient ne plus avoir le droit de rien dire -
32Les moyens daction déjà entrepris
- Amélioration de la communication entre lécole et
la police - Amélioration de la communication entre
différentes écoles - Réunion de parents avec la présence du policier
préventionniste - Les intervenants scolaires ont suivi des
formations - ( lintervention interculturelle, les effets
de la violence organisée etc.) - Interventions personnalisées en espagnol par
lintervenant de lorganisme daccueil et daide
à lintégration - Activités pour les parents dans différents
organismes - Difficulté la loi du silence
33La violence organisée a marqué leur histoire
- Comment comprendre ses effets dans leur vie
actuelle? - La reproduction
- La réparation et la reconstruction
-
- Roxana
Cledon -
Mai 2010