Title: Affectivit et maladie dAlzheimer
1Affectivité et maladie dAlzheimer
- Louis PLOTON
- Professeur de gérontologie
- Université Lyon-2
2Plans détude possibles de la maladie dAlzheimer
- La maladie dAlzheimer (MA), peut être abordée
comme un polysyndrome , associant - Un syndrome neurologique,
- Un syndrome cognitif
- Un syndrome psychopathologique
3Le syndrome neurologique
- Il est bien connu dans la MA avec
- Des micro-lésions plaques séniles,
neurofibrilles - Des modifications de neuromédiateurs
(acéthylcholine) - Sans quon sache vraiment comment on passe du
plan biologique au plan clinique.
4Le syndrome cognitif (1)
- Il est littéralement caractéristique de la notion
de DS et du diagnostic de chaque DS - perte progressive de la mémoire (épisodique
déclarative) - perte progressive des apprentissages (mémoire
procédurale) - altérations du langage (manque du mot, erreurs de
mots) - perte progressive des apprentissages (mémoire
procédurale) - défaillances des opérations mentales (logique,
abstraction, conceptualisation, sens figuré,
anticipation.) - perte de la différence image / réalité
5Le syndrome cognitif (2)
- perte de la permanence de lobjet
- pannes de pensée, puis absence dimages mentales,
- perte de la capacité de penser avec des mots
(retour au fonctionnement psychique préverbal) - sentiment de vide de la pensée
6Maintien de capacités
- Par contre on observe
- un maintien de la mémoire implicite mémoire
inconsciente (mémoire affective ?) - une pertinence affective troublante.
7Le syndrome psychopathologique (1)
- Le syndrome psychopathologique est marqué par
- la perte de la fonction cathartique de la parole
- la prédominance de lexpression comportementale,
avec - des préoccupations de mort
- une dépendance affective et la mise en place de
transactions de type parent-enfant (la quête
dune mère)
8Le syndrome psychopathologique (2)
- des manifestations de régression comportementale
et des troubles du comportement, moyens
dexpression, en relation avec - un vécu dabandon conduisant à être dans la
demande (au moyen des conduites) - lexistence dun possible sentiment de
dévalorisation narcissique. - une propension particulière à développer une
séméiologie confuso-hallucinatoire (delirium) dès
le stade de MCI. - Le maintien dune capacité de se déprimer, de
présenter des phénomènes anxieux et même des
peurs évoquant des manifestations phobiques.
9Modélisation du fonctionnement psychique à partir
des M.A.
- On peut, du point de vue fonctionnel, distinguer
des plans descriptifs, ou encore caractériser des
appareillages ou appareils fonctionnels - cognitif, avec des opérations (une intelligence)
et une mémoire cognitive (chronologique) - subjectif, régulant le confort narcissique
(travail associatif, fantasmatique, régulation
entre vie psychique consciente et inconsciente)
et une mémoire subjective analogique (phénomènes
daprès-coup) - affectif (plaisir déplaisir) avec une mémoire
affective globale, non déclarative,
subconsciente (mémoire implicite ?) - psycho-biologique, responsable des régulations
biologiques (mémoire biologique pure ?).
10Remarque épistémologique (1)
- On est en droit de considérer que ce qui se passe
sur chacun de ces plans est en correspondance
analogique (et en complémentarité) avec ce qui se
passe sur les autres. - Manifestement, il existe aussi des
inter-régulations entre ces plans, ce qui permet
au contenu des uns de modeler (moduler, modifier
en partie) ce qui se passe sur les autres. - Le fonctionnement de lensemble des appareils qui
viennent dêtre envisagés, constitue, de fait, un
méta-appareil comportemental.
11Remarque épistémologique (2)
- Notons que, cest sans doute la faculté dun plan
de réguler le fonctionnement des autre qui a pu
conduire à tenter dexpliquer lensemble du
fonctionnement psychique à partir de lun deux
(par exemple subjectif ou cognitif). - Mais, on ne saurait, explorer ou expliquer tout
le fonctionnement psychique avec un seul de ces
points de vues. Tous ont un domaine de validité
privilégié, tous ont leurs limites - Le cognitif butte sur la question du fantasme et
du contenu des rêves. - Le subjectif butte sur la question du temps.
- Laffectif, lui, est privé de contenus,
comportant des représentations.
12Particularités de la M.A. (1)
- Dans la M.A. on assiste principalement à un
affaiblissement du fonctionnement cognitif, puis
à des défaillances du fonctionnement subjectif. - Par contre la mémoire implicite et lensemble du
fonctionnement dans le registre purement affectif
semblent longtemps préservé. - Cela donne lieu à une approche globale
(approximative, mais non sans fondement) des
situations et des relations avec autrui. - Tout se passe comme si le malade gardait une
forme de perception affective, assortie de
capacités dexpression pertinentes du point de
vue affectif.
13 Particularités de la M.A. (2)
- Cela évoque un fonctionnement sappuyant sur des
noyaux affectifs de pensées non formulées et non
formulables, restant à létat de cristaux, de
germes, correspondant virtuellement à la
dimension affective dune pensée, désormais
réduite à cette seule dimension. - Cette notion de trame affective de la pensée,
peut être comparée à ce quest le rythme
concernant le chant, tandis que la subjectivité
correspondrait, elle, à la mélodie et la
cognition aux paroles.
14Dynamique des troubles du comportement (1)
- Les troubles du comportement peuvent être
analysés en référence à deux ordres de phénomènes
complémentaires - le déficit cognitif avec les différents aspects
de celui-ci qui ont été évoquées précédemment, - les particularités psychopathologiques que sont
- le vécu dabandon,
- la dévalorisation narcissique, à lorigine de
provocations, sur le mode de lauto-dérision ou
dune extrême auto-dévalorisation, - la capacité, dans des situations émotionnelles
qui rappellent des situations traumatiques
antérieures à rééditer des conduites anciennes
(dénuées de sens pour ceux qui nont pas la
clef ).
15Dynamique des troubles du comportement (2)
- Nombre de troubles du comportement, comme la
demande redondante et comme les possibles
transactions amnésiantes remplissent une fonction
dattaque à la pensée des tiers, - On est en droit de se demander si elle ne vise
pas à permettre au malade de se protéger en
séconomisant du risque de simpliquer?
16Dynamique des troubles du comportement (3)
- Dans cet esprit, en y regardant de près, on
constate que les conduites des DS répondent très
souvent à une logique. - Cest ainsi que de nombreux TC témoignent
- du besoin de compter, dattirer lattention, de
la demande, en relation avec le vécu dabandon
(le même que chez labandonnique, à dautres
âges, par ex à propos des chutes) - du refus ou de la protestation
- du sentiment de dévalorisation,
- du besoin de se sentir exister (en criant ?)
- dune réaction à des non dits , (générateurs
de biais relationnels ?).
17La fonction des TC
- La fonction de ces conduites sinscrit, de fait,
dans des stratégies interactives cohérentes, même
si ses motivations supposées peuvent être de type
infantile, avec une faible discrimination
cognitive entre la réalité extérieure, objective,
et la réalité psychique, (souvenirs, fantômes,
désirs). - On peut, à ce propos, travailler sur des exemples
tels que la fugue, la déambulation, les cris,
la coprophagie ou lincontinence avec
tartinage des murs. Lesquels peuvent prendre
sens si on les réfère à une légitimité
réactionnelle, dans une logique adaptative.
18La question de lintelligence affective (1)
- Cela conduit à travailler en sappuyant sur
lhypothèse du maintien dune forme inconsciente
de mémoire et dintelligence affective (dans une
logique adaptative, défensive). - Il sagit dune hypothèse opérante , en ce
sens quil nest pas possible actuellement
dapporter la preuve formelle de lexistence
objective dun tel phénomène, - Ce type dhypothèse permet de construire des
représentations dordre analogique de ce à quoi
nous sommes confrontés et donc de pouvoir
travailler en nous appuyant sur elles. - Leur fonction est détayer nos raisonnements avec
une efficacité pragmatique acceptable (tout se
passe suffisamment comme si).
19La question de lintelligence affective (2)
- On est en droit de faire une telle hypothèse -
pour des raisons éthiques (pari du sens) - pour
des raisons cliniques (efficacité possible en
induisant des changements inconscients
dattitudes).
20La question de lintelligence affective (3)
- Cela conduit à centrer lobservation clinique sur
la fonction des symptômes et à leur sens possible
(ex formulation dhypothèses par rapport aux
chutes comme scénarios abandonniques). - Fonction et sens possible quil est utile de
prendre en compte dans lanalyse des troubles du
comportement. - Car, il est important de ne pas tomber dans la
facilité consistant à attribuer, sans preuves,
les TC à des facteurs neurologiques, au terme
dune analyse sommaire.
21En conclusion
- Le changement clinique repose beaucoup sur
- la qualité de notre investissement alliance
thérapeutique, reposant sur une forme
dappropriation en miroir du lien affectif (cf.
le petit Prince) - la modification de notre regard (de nos
représentations) qui surdétermine nos conduites - Quoi quil en soit, une chose est certaine du
point de vue de lobservation clinique pure, le
dément est loin dêtre inaffectif. Il est même
essentiellement (pour ne pas dire purement)
affectif.