Title: Les fondations
1Les fondations
- Pour une lecture critique des fondations
Conseil général 20, 21 et 22 mai 2009
Recherche et rédaction Nicole de Sève,
conseillère CSQ Conception Julie Tremblay,
secrétaire CSQ
2De la philanthropie individuelle au
philanthrocapitalisme
Première partie
- La philanthropie inscrite dans le terreau
caritatif des États-Unis - La philanthropie de lère industrielle
- La deuxième génération de la philanthropie
- La nouvelle génération le philanthrocapitalisme
- Les fondations canadiennes et québécoises un
modèle importé
3La philanthropie inscrite dans le terreau
caritatif des États-Unis du 19e siècle
- Une tradition de responsabilité individuelle
- Le don dargent ou le bénévolat sont des
pratiques fortement ancrées dans le système
social étatsunien - Le service à la communauté ou tiers secteur
privilégie la participation citoyenne
42. La philanthropie de lère industrielle
- Employer de manière imaginative une fortune
personnelle - Remplacer la charité par la philanthropie
scientifique pour traiter scientifiquement
les causes structurelles des maux sociaux - Pallier à labsence ou à la faiblesse des
politiques publiques de soutien au revenu, de
soutien aux familles, au développement de la
culture - Désamorcer une insatisfaction sociale engendrée
par les ravages du capitalisme
5Les philanthropes industriels
- Les précurseurs les robber barons, les requins
de lindustrie ou de la finance - Le magnat de lacier, Andrew Carnegie, jette les
bases théoriques de laction philanthropique dans
son article The gospels of wealth en 1889 et
fonde la Carnegie Corporation of New York en 1911 - Le magnat du pétrole, John D. Rockefeller, crée
la Rockefeller Foundation en 1913
6Association des philanthropes et des universités
la naissance des think tanks
- La Fondation Russel Sage (1907) finance le
développement des sciences sociales (outils
statistiques sur le logement, les conditions de
travail, les relations interraciales) - Préfiguration des think tanks, elle devient la
référence des politiques sociales - Véritable vivier pour les lois sociales du New
Deal du Président Roosevelt - En 1927, la Fondation Carnegie soutiendra la
Brookings Institution qui deviendra le principal
think tank des démocrates
73. La deuxième génération de la philanthropie
- Au lendemain de la 2e guerre mondiale
- Émergence accrue de fondations, souvent à
tendance libérale, dédiées aux droits civiques,
aux droits des femmes, qui doivent affronter les
foudres du maccarthysme - Arrivée de fondations
- Développement de la philanthropie culturelle
8La deuxième génération
- Sappuie sur une dotation importante en capital
apportée par le fondateur et placée dans des
produits financiers sûrs permettant dassurer
un budget annuel constant - Bénéficie de leviers fiscaux qui permettent
lexonération de limpôt sur les bénéfices de la
fondation - Inscrit son action dans la durée
9La réponse de la droite conservatrice
- Développer des think tanks, véritables couveuses
du reaganisme
- Sur le plan moral
- Inadaptabilité des noirs
- Zéro tolérance quant aux incivilités
- Compassion basée sur la foi morale
- Sur le plan économique
- Dérégulation de léconomie
- Élagage de lÉtat
- Baisses dimpôt
10La nouvelle génération le philanthrocapitalisme
- Selon la Banque mondiale, la philanthropie est
promue comme un instrument en soi de réduction de
la pauvreté, comme une discipline vertueuse
susceptible de catalyser le développement à
travers la mobilisation des acteurs et des
ressources locales - Les nouvelles fondations philanthropiques
inscrivent leurs actions dans la mouvance de la
mondialisation et développent des actions à
léchelle internationale - La part allouée par les fondations américaines
aux programmes internationaux est passée de 1,5
milliard de dollars en 1998 à 3,8 milliards en
2005
11Les motifs des nouveaux philanthrocapitalistes
- Dans les pays industrialisés la bonne
conscience - La volonté pour les entreprises multinationales
de faire preuve de responsabilité sociale - Dans les pays émergents se dédouaner
- Éviter des crises sociales majeures à cause des
inégalités sociales ou sanitaires criantes qui
menaceraient la stabilité des grosses fortunes
12Les motifs des nouveaux philanthrocapitalistes
- Lier leurs contributions internationales aux
objectifs du Millénaire pour le développement - Devenir des acteurs importants de la lutte en
faveur de la réduction de la pauvreté - Se muer en force globale de transformation
sociale - Réaliser des investissements dans des projets à
but lucratif ou non - Contrôler leurs investissements
- Sassurer que leurs investissements remplissent
leur mission sociale - Déterminer leurs buts et sy tenir
13Lagenda du philanthrocapitalisme financer les
nouveaux biens publics globaux de lhumanité
- Engagement en faveur de la réduction des
inégalités - Promotion dune ouverture commerciale bénéfique à
tous - Lutte contre les grandes pandémies
- Protection de lenvironnement
- Soutien à lémergence dune gouvernance plus
démocratique - Appui à la société civile
14Les femmes, les grandes perdantes de la
philanthropie internationale
- Les grandes perdantes les organisations et les
mouvements de femmes - Larrivée de nombreuses femmes à la direction des
nouvelles fondations ne sest pas traduite par
plus de ressources - Les grandes fondations sintéressent aux grands
groupes et les groupes de femmes sont trop petits - Plusieurs fondations sinvestiront dans la mise
en marché de produits (ex. pour combattre les
maladies) plutôt que de sattaquer aux causes des
inégalités entre les sexes et de la pauvreté
15Des expériences qui émergent
- Des fondations qui souhaitent se comporter comme
des banques philanthropiques (offrir des produits
financiers) comme des prêts ou des garanties de
prêt en complément de loctroi traditionnel de
subventions - Le microcrédit
- Associer le secteur privé, les bâilleurs de fonds
bilatéraux ou multilatéraux, les ONG et les
leaders dans leurs secteurs - Sommet du Millénaire et lutte à la pauvreté
16Des expériences qui émergent
- Élaborer et conduire de nouveaux modèles de
distribution de laide sociale ou dinterventions
sociales qui, après avoir fait leurs preuves,
peuvent être repris par les gouvernements et
diffusés plus largement - Fondation Chagnon
175. Les fondations canadiennes et québécoises un
modèle importé
- Phénomène relativement nouveau, mais en
croissance - En 2005, il y avait plus de 8 800 fondations
enregistrées auprès de lAgence du revenu du
Canada, dont environ 2 900 exécutent leurs
propres projets - Elles œuvrent à la fois à léchelle nationale et
internationale - Deux grandes catégories les fondations privées
et les fondations publiques
18Les fondations canadiennes et québécoises les
fondations privées
- Dans les fondations privées, le capital provient
en tout ou en partie dune fortune individuelle,
familiale ou dentreprise, et le conseil
dadministration comprend, notamment des membres
dune même famille - Fondation Marcelle et Jean Coutu (appuie des
fondations hospitalières, des instituts de
recherche clinique, des hôpitaux, des facultés de
pharmacie et des organismes voués au mieux-être
de la population)
19Les fondations canadiennes et québécoises les
fondations publiques
- Fondations dutilité publique pratiquant la
campagne de financement annuelle pour financer
des causes philanthropiques - Largent provient de plus dune source et le
conseil dadministration a un lien de dépendance - Centraide (bâtir des communautés dentraide,
engagement social et prise en charge) - Fondation CURE (fonds pour la recherche sur le
cancer du sein)
20Les fondations canadiennes et québécoises les
fondations publiques
- Fondations dutilité publique pratiquant la
campagne de financement, sous forme de campagne
majeure dune durée de 5 ans, pour financer le
développement de leurs activités - Fondations universitaires
- Fondations liées à des établissements de santé
21Les fondations canadiennes et québécoises les
fondations publiques
- Fondations dédiées à une cause sans donateur
précis - Fondation Léa-Roback (aide financière à des
femmes économiquement défavorisées désirant
poursuivre leurs études) - Fondation Monique-Fitz-Back (éducation relative à
lenvironnement et à un milieu sain dans une
perspective de développement durable) - Fondation des artistes (soutien aux artistes
aînés ou en difficulté)
22Les fondations (typologie Frédéric Lesemann)
Traditionnelles
Nouvelles
Mécènes Investisseurs sociaux
Soutiennent des causes, comblent des manques Ont des objectifs précis, ciblent, choisissent culture de recherche
Donnent de façon désintéressée Exigent des résultats, évaluation, démonstration, limitées dans le temps
Donnent aux institutions de leur collectivité musées, églises Donnent en référence à des enjeux de société pauvreté, environnement
Sinscrivent dans un ordre établi, le consolident, le complémentent Prennent linitiative de nouvelles problématiques, programmations
Confortent lordre établi culture officielle, délite, charité Agents de changement politique faire la différence, mobiliser
Hors État Avec lÉtat pour le changer
Ne simpliquent pas dans la société Interviennent dans les priorités de la société
23Les assises politiques et idéologiques justifiant
le recours aux fondations privées
- Cette partie sinspire des travaux de Monsieur
Frédéric Lesemann, professeur titulaire, Institut
national de la recherche scientifique (INRS
Urbanisation, Culture et Société)
24Les assises politiques et idéologiques justifiant
le recours aux fondations privées
Deuxième partie
- 1. Une critique du rôle de lÉtat
- 2. Une redéfinition du rôle de lÉtat
- 3. Une gouvernance supranationale qui définit une
gouvernance infranationale
251. Une critique du rôle de lÉtat
- Un système administratif étatique en déficit de
fonctionnement - On questionne lapproche et le fonctionnement des
administrations publiques les incessantes
restructurations administratives - On conteste lobjectif duniversalité de
lintervention publique sous prétexte quelle
engendre des inégalités - On reproche aux administrations publiques leur
dysfonctionnement lié à une approche par silo - On lui reproche son incapacité à réorienter les
missions (ex. de léducation à la santé) à
cause des pressions internes (corporatisme,
syndicats) et externes (clientélisme)
262. Une redéfinition du rôle de lÉtat
- Une solution développer une nouvelle
gouvernance - Le rôle de lÉtat doit absolument être redéfini
dans sa raison dêtre, son fonctionnement, sa
source de légitimité, son organisation - DÉtat interventionniste, il faut tendre vers un
État partenaire, gestionnaire de ressources et
facilitateur de projets - Tendre vers plus dhorizontalité, de partage des
rôles et des responsabilités - Redéfinir les relations entre lÉtat, le marché,
les communautés, les familles - Accorder une place aux partenariats, aux
fondations privées pour soutenir des initiatives
connexes aux missions de lÉtat pour des thèmes
et des objets spécifiques santé préventive,
pauvreté, enfance, logement
273. Une gouvernance supranationale qui définit une
gouvernance infranationale
- Lassociation privé-public sinscrit dans la
foulée de la réflexion de think tanks
internationaux ou supranationaux - Une vision intégrée à léchelle internationale
présente à lOCDE, à la Banque mondiale, dans des
ONG, à United Way Centraide, Fondation Clinton,
mais aussi au Canada Conseil canadien de
développement social, Direction Ressources
Humaines Canada, Santé Canada, Statistique
Canada, Institut national de la santé publique du
Québec, Institut de la statistique du Québec,,
Habitat for Humanity Canada, Fondation Chagnon,
etc.
283. Une gouvernance supranationale qui définit une
gouvernance infranationale
- Définir une stratégie pour promouvoir
- En direction de la population la prévention,
les bons comportements, la lutte contre la
pauvreté, à partir dune approche scientifique
(indicateurs) - En direction des programmes publics
lanticipation de la croissance des coûts, la
viabilité du système (développement durable)
293. Une gouvernance supranationale qui définit une
gouvernance infranationale
- Comment ?
- En direction de la population renforcer les
communautés, développer de saines habitudes de
vie, rénover les logements et les quartiers,
mobiliser les populations - En direction des programmes publics
territorialiser, localiser, voisiner,
communautariser laction, favoriser les
partenariats, coopérer avec les fondations,
cibler les groupes à risque
30Un exemple la Fondation Chagnon
- Fondée en 2000, à la suite de la cession du
Groupe Vidéotron ltée - Son action
- Agir sur les causes de la pauvreté et de la
maladie - Soutenir les communautés dans leurs actions et
leur recherche de solutions - Sassocier au gouvernement pour mettre sur pied
différents fonds dédiés à des interventions
ciblées envers certaines catégories de la
population
31Un exemple la Fondation Chagnon
- Investissement dans le Fonds québécois
dinitiatives sociales pour financer le projet
Autonomie Jeunes Familles - Création de Québec en forme avec le gouvernement
du Québec, en 2002 - Sa mission administrer des projets issus de la
mobilisation de communautés locales visant à
favoriser ladoption et le maintien dune saine
alimentation et dun mode de vie physiquement
actif chez les jeunes Québécoises et Québécois,
de la naissance à 17 ans inclusivement
32Un exemple la Fondation Chagnon
- Adoption de la loi instituant le Fonds pour la
promotion de saines habitudes de vie, en
2006-2007 - Soutenir le Plan daction gouvernemental de
promotion de saines habitudes de vie et de
prévention des problèmes reliés au poids
2006-2012, intitulé Investir dans lavenir, et
financer des projets soutenus par Québec en forme - 400 millions de dollars sur 10 ans, soit 40
millions par année fournis également par le
gouvernement et la Fondation - Une société de gestion qui réunit le MSSS et la
Fondation
33Un exemple la Fondation Chagnon
- Dépôt de deux projets de loi à lhiver 2009
- Loi instituant le Fonds de soutien aux proches
aidants des aînés - Soutenir les organismes qui offrent des services
- 200 millions sur 10 ans, dont 150 millions du
gouvernement et 50 millions de la Fiducie de la
famille Chagnon - Une société de gestion composée à 50 de
personnes nommées par le gouvernement et à 50
par la Fondation Chagnon
34Un exemple la Fondation Chagnon
- Dépôt de deux projets de loi à lhiver 2009
- Loi instituant le Fonds pour le développement des
jeunes enfants - Soutenir le développement global des enfants âgés
de cinq ans et moins vivant en situation de
pauvreté - Financer des activités, des projets et des
initiatives pour soutenir les parents - 400 millions de dollars sur 10 ans, soit 150
millions du gouvernement du Québec et 250
millions de la Fondation - Création dune société pour gérer le Fonds
35La méthode Chagnon une vision technocratique
Top-down
- Se représenter la communauté locale comme un lieu
privilégié dintervention - Mobiliser les communautés, à la condition que
celles-ci se mobilisent, et les administrations
locales (passer des silos aux réseaux) selon un
modèle qui ne suit pas le modèle habituel des
programmes gouvernementaux - Pousser la concertation jusquau partenariat en
conjuguant les contributions (effet de levier) - Sappuyer sur une compréhension commune de la
réalité locale par les partenaires, sur
ladhésion à une mission, à une vision commune,
sur le choix dobjectifs, de moyens, ainsi que
sur le suivi des interventions - Enrichir les structures existantes au lieu de les
remplacer - Les communautés locales sont mises à contribution
36La méthode Chagnon une vision technocratique
Top-down
- Largents est disponible à la condition que les
communautés respectent les balises énoncées dans
lentente de partenariat - Les ministères sengagent à mettre à contribution
leurs réseaux et leurs ressources ils sont
appelés à travailler en appui à des projets qui
échappent à leur domaine de compétence spécifique - Lefficacité de linvestissement est vérifiée en
intégrant plusieurs modes dévaluation - La conception dun guide délaboration dune
demande, critères dadmissibilité, vision
conforme
37Conclusions cinq grands enjeux
- Les entorses aux principes de la démocratie
représentative - La collision entre deux conceptions du bien
commun - La production du service public par le secteur
privé - Les femmes, les grandes perdantes de la
philanthropie internationale - Lobsession du tout à la performance
38Les entorses aux principes de la démocratie
représentative
- La manière dont ont été constituées les fortunes
des donateurs - Le fait de confier à des citoyennes et à des
citoyens plus fortunés un pouvoir accru
dinfluence et dorientation dans laffectation
des politiques sociales et des biens publics
39La collision entre deux conceptions du bien commun
- Une vision de la gouvernance nationale ou
mondiale centrée sur les règles de lentreprise
privée et du marché - Une culture politique fondée sur le contrat
social et la solidarité collective
40Production du service public par le secteur privé
- Prétexter la crise des finances publiques pour
accentuer la privatisation de lintervention
publique - La crise des finances publiques est liée à une
diminution des revenus de lÉtat, notamment par
la baisse des contributions fiscales des
entreprises, la baisse de limpôt des
particuliers et laugmentation des dépenses pour
le service de la dette - Sappuyer sur le concept de bonne gouvernance
- La définition floue de critères de bonne
gouvernance encourage plusieurs fondations à
lutiliser pour intervenir plus directement dans
les politiques publiques, économiques et sociales
41Production du service public par le secteur privé
- Sphère publique et sphère privée
- Linfluence des fondations sur les politiques
publiques et les gouvernements, et le risque du
rétrécissement des frontières entre la sphère
privée et la sphère publique - Qui produit le service public ?
- Le risque de réduire le champ dintervention du
gouvernement, cest-à-dire reconnaître à dautres
entités que des administrations publiques, la
capacité de produire du service public et lui
conférer la légitimité pour le faire
42Lobsession du tout à la performance
- Lintroduction de la culture du marché dans le
secteur public - Linsistance sur les mesures de résultat, sur
lefficience - Il ny a que des solutions à des problèmes qui
risquent daccaparer une partie du temps des
organismes subventionnés par les rapports
bureaucratiques - Le développement dune bureaucratie
philanthropique
43Un débat démocratique simpose
- La CSQ ne peut soutenir le risque de dérive
démocratique que constitue la privatisation de
lintervention publique. Un débat large dans la
société québécoise simpose.
44Recommandation
- Le Conseil exécutif recommande au Conseil général
- Dautoriser la Centrale à organiser une rencontre
publique, dès lautomne 2009, afin de définir une
stratégie dintervention visant à contrer le
recours aux fondations privées dans la mise en
œuvre des politiques publiques - Dassocier à cette démarche les chercheurs et
lensemble des organisations et des regroupements
interpellés par le recours aux fondations privées
par le gouvernement québécois.