Title: Les cr
1Les créoles français
- Marie-Christine Hazaël-Massieux
- Université de Provence
- hazael_at_up.univ-mrs.fr
- http//creoles.free.fr/Cours
2On appelle créoles des langues nées au cours des
colonisations européennes des XVIIe XVIIIe
siècles dans le contexte des contacts de
populations liés à lesclavage.
Attention les créoles ne sont pas des langues
mixtes , mais le résultat dévolutions
linguistiques spécifiques qui ont touché des
variétés populaires de langues européennes, du
fait du contact de langues et de la communication
exclusivement orale, ceci hors de toute pression
normative.
Il y a donc des créoles très divers créoles
anglais, créoles portugais, créoles néerlandais
et des créoles français.
3Il sera ici question des créoles français,
cest-à-dire des créoles qui sont parlés dans
des zones issues de la colonisation française
tant dans la zone américano- caraïbe que dans
lOcéan Indien.
4Antilles
5La zone qui nous intéresse en priorité dans ce
cours
L arc antillais
L arc antillais
6(No Transcript)
7(No Transcript)
8Dans tous ces pays, le créole fonctionne en
alternance avec une langue européenne, le
français et/ou langlais, dans des situations qui
sont proches des classiques situations de
diglossie.
9Le linguiste américain, Ch. Ferguson, dans les
années 1958-60 ( Diglossia , in Word, vol. 15,
1959) définissait la diglossie comme lusage dans
la communication de deux variétés dune même
langue, utilisées lune ou lautre en fonction
des moments et des situations de discours. Il
nomme ces variétés haute et basse . Lune
des variétés est fortement valorisée, tandis que
lautre est stigmatisée.
10Quelques remarques (ou nuances) à propos de la
diglossie telle que lenvisageait Ferguson
- Dune part, il semble difficile de dire que
créole et français sont des variétés dune même
langue (la définition de ce fait a été revue)
on a bien affaire à deux langues dans certains
lieux, la langue haute est langlais, la
langue basse un créole français.
11- - Dautre part, bien rares sont les pays où règne
une diglossie stricte (conforme à la
définition de Ferguson) - En Haïti, 85 à 90 de la population est
unilingue créole - La complémentarité stricte entre créole et
français qui ferait que ce qui se dit en créole
ne peut se dire en français et ce qui se dit en
français ne peut se dire en créole nest pas
(nest plus ?) très exacte nest-on pas dans
certaines zones en route vers le bilinguisme ? - En outre on voit parfois se développer des
interlangues où sont mêlés à tout moment
français et créole les règles de ces
mélanges (sil y en a) sont difficiles à établir.
12Pour une autre représentation des situations
diglossiques.
On peut essayer de décrire ces situations de
diglossie (de fait, diverses), qui varient selon
les pays et surtout selon les groupes sociaux, au
moyen des schémas suivants
H
B
français
créole
Diglossie stricte
13B
H
français
créole
Bilinguisme idéal
B
H
français
créole
Un exemple de diglossie réelle
14Un petit texte à retenir on y examinera les
alternances français / créole.
La bête la mangea Ou pé ké manjé-moin La bête la
tua Ou pé ké kué-moin
15Peut-on dire que les créoles sont des dialectes
? des patois ?
Leur statut est très différent de celui des
langues parlées sur le territoire français
hexagonal, quon appelle souvent dialecte ou
patois, et qui ont presque disparues (elles ne
sont plus parlées que dans des lieux reculés par
les personnes les plus âgées) le provençal, le
breton, loccitan, le savoyard
16- Aux Antilles
- Tout le monde parle créole (y compris les
enfants très jeunes) - Quand des métropolitains ou des étrangers
arrivent aux Antilles, ils apprennent le créole
dans la vie quotidienne (cf. les enfants dans les
cours de récréation) - Quand on ne parle pas créole, on se sent exclu
de toutes sortes de connivences, déléments de
culture - Le créole peut sapprendre, comme toutes les
langues, même si les cours sont rares (faute de
professeurs formés il ne suffit pas de parler
le créole pour lenseigner et par manque
délèves comme on nest pas convaincu que le
créole est une vraie langue, on se demande si
cela vaut la peine de perdre du temps à apprendre
un patois !)
17Quest-ce quun dialecte ?
Un dialecte est la forme régionale dune langue
et doit être considéré comme un système
linguistique en soi. Quand on parle de dialecte,
cela veut dire que lon envisage une langue dans
ses ressemblances, ses évolutions, par rapport à
dautres langues apparentées ( langue-mère ,
langues-sœurs ).
18Ex. le provençal de la région dAix et
loccitan de Perpignan sont apparentés. Ils
proviennent tous deux dune même souche romane
(évolution du latin classique), et ont évolué en
se séparant progressivement.
Tout au plus pourrait-on dire que le martiniquais
et le guadeloupéen sont des dialectes de
lantillais si lon arrive un jour à prouver
lexistence dune langue-mère commune à
lorigine. Mais le guadeloupéen et le réunionnais
qui ont des origines tout à fait différentes ne
sont pas des dialectes dune même langue !
19En France, il est souvent difficile denvisager
le terme de dialecte , comme terme
technique il est connoté de tout le
traitement fait aux dialectes depuis la
Révolution française il désigne des langues
dévalorisées, à éradiquer, en voie de
disparition, signes dobscurantisme, parlers
ruraux et limités, à remplacer par la seule
vraie langue le français.
20Est-ce que les créoles sont des patois ?
Si les patois sont des langues parlées
exclusivement par les couches âgées de la
population, des langues plus ou moins en voie de
disparition de ce fait, devenues insuffisantes
pour tout dire (par pertes de lexique ou de
structures grammaticales), les créoles ne sont
absolument pas des patois.
21- Toutefois, nous en faisons des langues en
situation patoisante quand - Nous avons un peu honte de parler créole
- Nous préférons recourir systématiquement au
français, naidant pas ainsi le créole à
développer les formes nécessaires pour son usage
dans toutes les situations de discours - Nous ne voulons pas lapprendre à nos enfants
- Nous refusons de lécrire en affirmant que lon
ne peut pas écrire le créole, et quil faut
absolument lui conserver son caractère oral en
lenfermant dans des usages purement folkloriques.
22On notera toutefois que la plupart des langues du
monde ne sont pas (encore) écrites. Ce qui fait
une langue, ce nest pas dêtre écrite, cest de
comporter des sons et des unités qui ont du sens.
Ces dernières sont organisées selon des règles de
grammaire spécifiques. Les linguistes sattachent
à décrire les règles qui font quintuitivement un
locuteur ne se trompe pas (avant même davoir
appris consciemment ces règles).
Cest parce quil y a une grammaire quen créole
on dit Lè i vini, moin té ka travay. (Quand il
est venu je travaillais) Et non pas vini ka lè
i travay té moin (par exemple, lordre de
placement des mots pour faire une phrase relève
de la grammaire).
23Alors, peut-on, doit-on et comment écrire le
créole ?
Peut-on ? Sans difficulté. Quand on commence à
noter une langue nouvelle, on recourt
généralement dabord à une notation à base
phonétique, cest-à-dire que tout ce qui sécrit
se prononce, et tout ce qui se prononce sécrit.
NB le français est un très mauvais modèle
pour lécriture dune langue car lorthographe
française est très compliquée règles multiples,
acquises au cours dune histoire complexe, sans
quil y ait eu de véritable régularisation. Il ne
sagit donc surtout pas de noter le créole à la
française !
24Doit-on ? Ce nest certainement pas une
obligation , mais cest très utile dans un
monde où lécrit non seulement est utilisé
constamment (penser même aux communications par
e-mail ou aux SMS qui tendent à supplanter
partiellement le téléphone !) mais cest en outre
un critère de reconnaissance non négligeable pour
une langue on a tendance à considérer que les
langues non écrites ne sont pas de vraies
langues !
25Comment ? En élaborant un système cohérent, à
base phonétique, certes, mais complété par un
certain nombre déléments qui facilitent la
lisibilité et qui permettent la lecture commune
et rapide de personnes qui ont des prononciations
un peu différentes.
Un exemple Il est plus facile de reconnaître ce
qui est écrit dans I vwè-li (il la vu), moin
bo-li (je lai embrassé) que dans i vwèy ou
mwen boy
26Pour les locuteurs, il faut aussi quils
admettent quon doit toujours apprendre à lire et
à écrire une langue (même quand on la parle) !
Comment voudriez-vous spontanément lire le créole
alors que vous mettez des mois, voire des années,
à lire le français, langlais, lallemand,
lespagnol ?
Comment savez-vous quon prononce oiseau
wazo, froid frwa, compte kont, et couvent
tantôt kouvan tantôt kouv sinon parce que
vous lavez appris !
27Apprendre une langue écrite, cela veut dire
apprendre la correspondance signe graphique /
sons, ce qui veut dire du point de vue du lecteur
reconnaître les signes écrits pour une lecture
rapide, comprendre ce quon lit et apprendre
comment on prononce ce qui est écrit.
28Ceci étant dit, il ne faut pas confondre notation
et orthographe. Il est facile de noter le créole,
il est assez facile dapprendre à le lire. Pour
dire que le créole a une orthographe, il faudrait
se mettre daccord pour élaborer une norme ce
qui aurait pour conséquence que lon appelle
fautes tout ce qui nest pas conforme à
lorthographe fixée (par décret par exemple). On
nen est pas encore là !!! (cf. nombreux
problèmes) Sil est important davoir des
principes de notation du créole et de sy
conformer au maximum (pour la meilleure
communication), il nest sûrement pas urgent de
fixer une orthographe plus définitivement.
29Début dun conte créole
Zanba, Lapen, Tig épi Louwa - Tim tim ! - Bwa
sèk-Ni on madanm ka kouri, i pa ka jan las
?Rivyè Pè Louwa té ni on troupo bèf, enki bèl
bèf, Lapen é Zanba té konpè é, sé boug ki té
toujou enmé manjé bon gèl. Alò on jou Lapen ka di
- Konpè Zanba an vwè pè Louwa ni dé bèl bèf
la, fò nou ay pwan vyann pou nou manjé.- Ki jan
nou ké fè sa ?- Annou alé, an sé on boug ki
savan, annou alé é an ké diw ka pouw fè.
Pour aller plus loin
30Le créole et son statut politique
Si une langue existe indépendamment de son statut
politique (qui peut être de langue
officielle , de langue nationale , de
langue internationale ), on parle souvent de
langue vernaculaire ou véhiculaire pour préciser
lextension dune langue, il est tout à fait
légitime de vouloir voir reconnaître sa langue
maternelle.
Dans le monde, on voit régulièrement des combats
pour doter une langue dun statut (en particulier
dans les mondes de lancienne colonisation).
Depuis quelques années, un nouveau statut est
proposé celui de langue régionale !
31Il est vrai quon répugne souvent à appeler
langues des idiomes qui ne jouissent pas
dune certaine reconnaissance officielle, ou qui
sont minoritaires (ou minorées).
Si dans les DOM, les créoles font souvent figure
de patois - ce quils ne sont pas (car toute
la population les parle), dans certains pays
indépendants, les créoles sont parfois déclarés
langues nationales, ou même langues officielles
cest le cas effectivement pour le créole aux
Seychelles, langue officielle au même titre que
le français et première langue nationale en
Haïti, le créole langue nationale avec le
français jusquen 1987, est devenu aussi langue
officielle (toujours avec le français).
32Alors (en conclusion)
33- Les créoles sont bien des langues
- Qui ont de nombreux locuteurs
- Qui ont leurs propres systèmes linguistiques
- Quil faut apprendre
- Qui se développent
- Qui méritent dêtre lobjet dune
instrumentalisation - Qui ont déjà donné des œuvres littéraires et
nont sans doute pas dit leur dernier mot !
34- Mais ils ont des traits qui souvent
caractérisent les dialectes - ils ne jouissent pas partout dun statut
officiel - ils restent peu écrits (au regard des langues
avec lesquelles ils sont en contact) - ils ne sont pas véritablement enseignés à
lécole - /
35- on ne sait donc ni les lire ni les écrire !
- les locuteurs, qui ne les ont pas appris
formellement, doutent quils ont une grammaire !
36Mais on peut apprendre à lire et écrire le
créole, on peut découvrir sa grammaire et son
lexique
Vous pouvez découvrir un cours de créole des
Petites Antilles sur Internet !