Title: Diapositive 1
1Blanche
Orchidée
2Lorchidée est une fleur qui se cache dans la
profondeur des arbres ou à labri des hautes
fougères. Il faut de la patience pour la
découvrirelle pousse dans le secret.
Cest une des plus belles fleurs. Si belle, si
humble! Et pas profiteuse du tout. Elle croît
sur les autres arbres mais sans en tirer sa
nourriture. Elle ne demande quun appui.
3Telle est JEANNE LE BER, blanche orchidée
épanouie sur le sol de Ville-Marie, femme
héroïque, exquise, cachée, première recluse du
Nouveau Monde.
Cette jeune femme, la plus richement dotée de
la Nouvelle-France, deviendra volontairement la
plus pauvre.
Cloîtrée pendant 34 ans, inlassablement elle ne
fera que prier et broder, le visage tourné vers
le tabernacle.
Mais commençons par le commencement!
4Brin d'histoire
Montréal est encore un village entouré de
nations iroquoises.
Ville-Marie, comme on lappelait à lépoque, naît
en 1642 dun rêve mystique. Jérôme Le Royer de la
Dauversière et Jean-Jacques Olier voulaient y
créer une communauté exemplaire de parfaits
chrétiens, une communauté autonome composée de
Français vertueux et dIndiens convertis.
5L'enfance de Jeanne
mais au juste, qui sont ses parents?
Jeanne LeMoyne, également de la
Normandie, arrivera en 1654, avec sa sœur Anne
et son frère Jacques, leur aîné Charles
les ayant devancés de 13 ans.
Jacques Le Ber, natif de la Normandie, arriva au
pays en 1649, suivi 15 ans plus tard de sa sœur
Marie qui entrera chez les Ursulines de Québec.
Il acquit de grands biens, dira Monsieur de
Belmont. Par sa piété, il en fit un très saint
usage en assistant libéralement les pauvres. Par
sa probité et son équité, il sacquit lestime
générale et une très grande considération dans
le pays
Monsieur de Belmont dira delle Cette dame fut
en son temps un modèle de toutes sortes de
vertus, et dune piété exemplaire.
Les épousailles auront lieu en janvier 1658 Cinq
enfants naîtront de cette union dont notre héroïne
6Et l'oncle Charles ?
Charles LeMoyne, frère de Madame Le Ber, oncle de
Jeanne, était arrivé au pays en 1641. Il avait
accompagné les missionnaires Jésuites dans
leurs explorations, appris la langue des
indigènes, et servi dinterprète.
Il connaissait le pays pour lavoir sillonné en
tous sens avec les Indiens. Après avoir passé un
an à Trois-Rivières, il sinstallera
définitivement à Montréal en 1646.
En 1654, il épousera Catherine Thierry dit
Primot qui donnera naissance à quatorze rejetons.
7Deuxième enfant des Le Ber, Jeanne naît le 4
janvier 1662 et sera baptisée le même jour.
Ses parrain et marraine seront Maisonneuve et
Jeanne Mance, tous deux fondateurs de Montréal.
Naissance d e Jeann e
Cest toi qui mas formé les reins, qui mas
tissé dans le sein de ma mère, Je te rends grâce
pour un tel prodige quelle merveille je
suis! Quelles merveilles sont tes œuvres! Tu me
connaissais tout entier quand je fus façonné
dans le secret
Ps 138
8Dans le nid d'Aiglons
la Colombe
Jusquà lâge de douze ans, Jeanne sera seule
fille au milieu de onze garçons ses quatre
frères et sept cousins, les deux familles, Le Ber
et LeMoyne, vivant côte à côte dans une maison à
deux logements.
9Jeanne la questionneuse
Seule fillette au milieu de tant de garçons?
Eh oui! et pas boudeuse du tout la Jeanne! Elle
était gaye , dun engouement naturel , dun
tempérament plain de vivacité et dune
humeur enjouée , écrivait de Belmont avec
lorthographe de son temps. Il empruntait ses
dires à Sœur Marie Morin, première religieuse
canadienne de lHôtel-Dieu et archiviste de sa
communauté, les Hospitalières.
Sœur Morin lui apprit aussi que lorsque Jeanne
navait que cinq ou six ans, il se passait peu de
jours quelle ne vint chez les Hospitalières où
elle se plaisait beaucoup, surtout dans la
récréation où elle était fort gaye, y faisant des
questions sur les mystères de Notre-Seigneur,
particulièrement de sa petite enfance quelle
paraissait aimer et estimer plus que son âge ne
le permettait.
Jeanne Mance ,sa marraine, première infirmière de
Ville-Marie et fondatrice de lhôpital où elle
logeait, a dit plusieurs fois, souligne Monsieur
de Belmont, quelle était surprise du
raisonnement et des réflexions que Jeanne lui
faisait sur les mystères de Notre-Seigneur,
surtout ce quon voit dans le ciel et sur la
terre. Elle demandait pourquoi Dieu avait fait
cela de telle manière.
10...et ses études ?
Dans un premier temps, Jeanne a certainement
fréquenté létable-école de sainte Marguerite
Bourgeoys, ouverte en avril 1658, seule école de
Ville-Marie. En 1671, à 9 ans elle sait très bien
signer son nom comme en font foi les registres de
lÉtat civil .
Grande amie de Jeanne Mance, Mère Bourgeoys était
à son chevet lorsquelle expira en 1673. On peut
facilement limaginer consolant la filleule qui
navait que onze ans.
Lannée suivante, Jeanne sera pensionnaire à
Québec chez les Ursulines, question de
lintroduire dans la bonne société de la
Nouvelle-France. Elle y passe trois
années coupées par les vacances dans sa famille.
Sa tante Marie y était religieuse depuis 1668.
Deux ans à peine que Marie de LIncarnation y
était décédée. Son souvenir était encore bien
vivant dans la maison.
Quapprenait-elle au juste ? Eh bien! le
catéchisme, la grammaire, larithmétique, lhistoi
re, la littérature, la diction et lart
oratoire. On dit de Jeanne quelle avait
une grande facilité pour sexprimer en public.
Devinez quels rôles elle préférait jouer?
11. . . une vocation se dessine
Elle demandait toujours, nous dit Monsieur
Faillon, de préférence les rôles où il y avait
peu de choses à dire, ceux dont les personnages
avaient le moins daction dans la pièce, ou même
qui supposaient lacteur au-dessous des autres,
ou dans le mépris.
Voici un fait que lon retrouve dans le
Mémoire des Ursulines et qui illustre à
merveille ce trait caractéristique de Jeanne. A
loccasion de la représentation des pasteurs à la
crèche, on lui demande quel rôle elle voulait
jouer. Cest lEnfant-Jésus , répondit-elle
sans hésiter. Vous ne choisissez pas mal,
mademoiselle, lui dirent les religieuses,
mais pourrait-on savoir la raison de votre
choix ? Spontanément, Jeanne répondit en
toute candeur et naïveté Cest que le Saint
Enfant ne dit mot et ne remue point, et je
voudrais limiter en toutes choses.
Cest au pensionnat, nous disent ses maîtresses,
que Jeanne a développé ses trois grandes
dévotions au Saint-Sacrement, à la Vierge Marie
et aux saints Anges.
Il y avait aussi des matières pratiques à
létude, et Jeanne y excellera le tricot, la
dentelle et surtout le dessin, la calligraphie et
la broderie.
Ses études terminées, elle quittera le
pensionnat en 1677, pour revenir au foyer à
Montréal. Jeanne a quinze ans. Les Ursulines, sa
tante Marie en tête, auraient bien espéré la
voir entrer dans leur noviciat pour se faire
religieuse. Tout dans sa conduite et son
tempérament le laissait croire.Mais telle
nétait pas sa voie.
12Riche, jeune, jolie, cultivée, elle ne manquait
pas damies! Ses préférences toutefois iront aux
religieuses, particulièrement à la Mère
Macé, vénérée de ses compagnes Hospitalières,
comme une relique vivante. De retour à la
maison,Jeanne reprit auprès delle ses visites
interrompues par ses années de pensionnat.
Mais celle quelle fréquentait le plus
assidûment, cétait Soeur Marguerite
Bourgeoys, fondatrice de la Congrégation de
Notre-Dame. Faillon écrit Les impressions de
grâce que la vue et les entretiens de cette
sainte fondatrice
faisaient toujours éprouver
à Mlle Le Ber lair de sainteté
quelle respirait dans la maison de la
Congrégation la piété singulière quon
témoignait à Marie honorée comme la Supérieure,
la Reine et la Mère de cet Institut le nom
seul de la Congrégation de Notre-Dame
tous ces motifs avaient inspiré à Mlle Le
Berune vénération profonde et une
affection inaltérable pour cette sainte maison
quelle aimait à fréquenter et dont
elle devient même lune de ses plus signalées
bienfaitrices.
Jeanne avait dautant plus raison de se rendre
souvent à la Congrégation que ses deux cousines,
Françoise et Marguerite LeMoyne, filles de
loncle Jacques, ainsi que son amie denfance,
Marie Charly, fille du boulanger, venaient dy
entrer comme religieuses. Avec elles, elle
rivalisait de piété, damour de Dieu et du
prochain.
La mort rapide de cette jeune amie lui fit
prendre conscience de la vertigineuse brume de la
vie.
13Je conduirai ma bien-aimée au désert
et là je parlerai à son coeur
Os 2,16
Depuis son retour, Jeanne continue dans sa
famille les habitudes de prière prises au
pensionnat messe tous les jours et un quart
dheure de méditation toujours à la même heure
afin de shabituer à ne penser quà Dieu.
Finalement, affirme Monsieur de Belmont, de ce
premier quart dheure quelle donnait à Dieu
sans relâche dun jour à lautre, on vit
quelle ne se donnait plus rien et donnait
toutes ses heures à son divin Maître.
A seize, dix-sept,
dix-huit ans à cette époque, les filles
étaient mûres pour le mariage. Jeanne avait reçu
la meilleure éducation quune fille du
temps pouvait recevoir. La plus riche fille du
pays, elle pouvait compter sur une dot de 50,000
écus, somme énorme pour le temps. Ses parents,
songeant à son avenir, lui avaient trouvé un beau
parti, trié sur le volet. Sa réponse fut un NON
catégorique. Nous sommes en 1680, Jeanne a dix
huit ans.
Elle révéla à ses parents quelle sétait
donnée à Dieu dans son cœur.
14 I H S
Ayant trouvé une perle de grande valeur,
il va vendre tout ce quil possède
Mt 13,46
15Recluse...chez soi
Jeanne parle de Catherine de SienneElle voudrait
vivre enfermée comme elle dans la maison
paternelle. Peut-être serait-elle entrée au
Carmel ou dans un ordre contemplatif, sil y en
avait eu au pays en ce temps-là
Ses parents sont estomaqués ! Non seulement
elle veut couper toute communication avec le
monde mais aussi avec eux. Ils ne comprennent
tout simplement pas. Jeanne consulte Monsieur
François de Séguenot, sulpicien, homme dune
grande rigueur, sage, averti dans les voies de la
spiritualité et de loraison. Son père
sinforme de son côté. Finalement, Jeanne
accepte de paraître devant les sommités
théologiques du temps Dollier de Casson,
Monsieur de Belmont et Monsieur de Séguenot. Il
sagit dun examen canonique en bonne et due
forme.
Le jugement est unanime
cette femme est mue par lEsprit de Dieu.
16son horaire ?
Dans un premier
temps, Jeanne
fait vœu de chasteté, de pauvreté de
cœur, dobéissance à son
directeur spirituel et de réclusion pour cinq
ans. Désormais elle se voue à la réparation de
tous les péchés du monde, à commencer
par ceux de ses compatriotes et les siens
propres.
La pauvreté de cœur
concerne le détachement des biens
plutôt que sa dépossession .
Mesure de prudence de la part de
Monsieur de Séguenot, directeur spirituel
de Jeanne, sûrement
secondé en cela par Monsieur Le Ber. Se départir
de ses biens aurait sans
doute été imprudenton ne sait jamais, il sagit
peut-être dune période
dillumination temporaire? Elle reviendra
sans doute sur la terre!
Etonné des merveilles de Dieu en elle, Monsieur
de Séguenot lui donne un règlement très
sévère levée tôt, à 4h du matin, sa journée
sera partagée entre loraison, la messe en
paroisse beau temps mauvais temps, sans regarder
qui ou quoi que ce soit à laller-retour la
récitation de loffice de la sainte Vierge et
celle du chapelet, la lecture spirituelle et
les travaux manuels.
Pendant la nuit, comme sa fenêtre donne sur la
chapelle de lHôtel-Dieu doù elle aperçoit le
feu de la lampe du sanctuaire, Jeanne fait une
heure doraison.
Comme vêtement, elle choisit de porter une
rugueuse chemise de toile, et comme nourriture,
elle demande ce que les serviteurs ne veulent
pas manger.
17premier deuil
Jeanne vivra donc ses quinze premières années de
réclusion dans une chambre au premier étage de
la maison paternelle. Cette chambre avait son
entrée rue Saint-Paul, tout près de lHôtel-Dieu
dont la chapelle servait déglise paroissiale.
Le 8 novembre 1682, deux ans à peine après le
début de sa réclusion, sa mère décède. Tout au
long de la maladie, Jeanne nest pas sortie de sa
chambre, demandant à Dieu, si tel est son bon
vouloir, la guérison de sa mère. Celle-ci bien
sûr ne manquait pas de soins. Quand Jeanne
apprend sa mort, elle sort de sa cellule,
sapproche du corps étendu, fait une courte
prière, baise les mains de la défunte et se
retire sans avoir dit une seule parole.
Aux frontières de lautre rive, sa mère mieux que
quiconque pouvait comprendre le sens
des sacrifices de son unique fille.
18 Dans notre siècle qui ne jure que par
lefficacité et le rendement, que peut bien
signifier lutilité des inutiles ?
A la fin des cinq ans de probation, elle
demande de faire vœu de réclusion perpétuelle.
Monsieur de Séguenot et Dollier de Casson,
convaincus du surnaturel de sa vocation,
acceptèrent et son père se résigna. Jeanne
sera la première en Amérique du Nord à
affronter cette vie rude et austère.
Tous ne comprennent pas ce langage, mais
seulement ceux à qui cest donné il y en a qui
se sont eux-mêmes rendus eunuques à cause
du Royaume des cieux. Comprenne qui peut
comprendre! Mt
19,11-12
Le 24 juin 1685, en la fête de saint
Jean-Baptiste, patron des solitaires, elle
faisait vœu de chasteté perpétuelle, de réclusion
perpétuelle, de pauvreté de cœur et dobéissance
aux supérieurs ecclésiastiques. Elle leur
laissait le soin de modifier son règlement pour
lajuster à
lancienne règle des Reclus, sils le jugeaient
opportun. Jeanne aurait préféré renoncer à tous
ses biens, mais Jacques Le Ber, autant que ses
directeurs, se montra ferme sur cette question.
Monsieur Séguenot resserra sa réclusion de façon
à la soustraire davantage au monde.
19...comme une vigie
Le 13 août 1691, nouveau deuil dans la famille
les Iroquois tuent son jeune frère Jean-Vincent,
âgé de 23 ans
Faillon raconte que Marguerite Bourgeoys
accompagnée de Marie Barbier vinrent compatir
avec la famille. Jeanne sortit de sa cellule,
donna à Marguerite Bourgeoys les draps
nécessaires à lensevelissement, et toujours dans
un grand silence, pria quelques instants auprès
du défunt, puis se retira immédiatement dans sa
cellule.
Bien dautres événements tragiques et des
deuils viendront assombrir cette période en
1689, massacre de Lachine en 1690, mort de sa
tante Catherine, veuve de loncle Charles
Lemoyne lui-même décédé en 1685 en 1691,
mort de François, sieur de Bienville, fils de son
oncle Charles en 1692, mort de Louis Le Ber
son frère aîné en 1694, au fort York, mort de
son autre cousin Louis LeMoyne de Châteauguay.
Toutes ces nouvelles parviennent à ses
oreilles car chacun se recommande à ses prières.
Jeanne portait devant Dieu le souci de la paix
et des besoins du monde..
Comme une vigie, elle est là,
flamme droite et pure dans les temps
troublés.
20dans le jardin de la Congrégation
Après quinze ans de réclusion dans sa famille,
Jeanne pensait que le temps était venu de
senfoncer davantage dans le silence et le
recueillement. Sa réclusion jusquici nétait pas
totale puisquelle devait sortir chaque jour pour
assister à la messe de la paroisse.
Au printemps de 1694, les Soeurs de la
Congrégation se mettent en frais de construire
une chapelle dans le jardin attenant au couvent,
pour garder le Saint Sacrement, et ce malgré
labsence dargent pour le faire.
Apprenant la nouvelle, Jeanne voit dans ce projet
le signe du ciel tant attendu avec laccord de
la communauté, ne pourrait-on pas ajouter un
appentis qui abriterait son réclusoir ?
Na-t-on pas vu autrefois des logettes
adossées aux monastères et abbayes avec une
petite fenêtre, fenestrelle donnant sur lautel
même et par laquelle les reclus et recluses
pouvaient recevoir la communion? Elle pourrait
ainsi assister à la messe quotidienne et vivre
derrière le tabernacle, en adoration perpétuelle.
Elle en parle aussitôt à Monsieur de Séguenot et
à son père avec une telle conviction et tant
délan que le père bouleversé et le directeur
spirituel convaincu cèdent. Les religieuses
acceptent avec bonheur la proposition de Jeanne.
Un autre motif poussait Jeanne à se rapprocher de
la Congrégation. Cétait la confiance et le
respect quelle avait toujours eus pour
Marguerite Bourgeoys. Elle dira plus tard à
sa cousine Anne Barroy, affectée à son service,
que cétait lodeur des vertus de cette admirable
fondatrice qui lavait poussée dans cette
solitude.
21Plan du réclusoir
Avec le consentement de
son père, Jeanne défraie
en bonne partie la construction de la chapelle
et, bien sûr, de son
réclusoir attenant. Pierre, son frère
cadet, propose de payer la pierre de taille.
Maison de la Congrégation
D
Elle
dresse elle-même les plans de son réclusoir
quelle
veut à trois étages. Au rez-de-chaussée, une
pièce où
elle pourra descendre pour recevoir la
communion et
se confesser par une ouverture mobile
dans la porte
qui donne sur le sanctuaire, du côté de
lÉvangile. Du
côté du jardin des sœurs, une autre
porte qui permet
de lui porter sa nourriture sans
avoir à traverser
léglise. Par un petit escalier, elle
accède à sa
cellule denviron 12 pieds carrés avec
une fenêtre
qui ouvre sur lextérieur. Selon son
désir, le
plancher de sa cellule et celui du sanctuaire
sont
presque au même niveau, si bien que le chevet
de sa
couchette ne sera séparé du Saint-Sacrement
que par
lépaisseur de la cloison, distant à peine de
quatre
pouces, précise Monsieur de Belmont.
E
C
A
B
Le dernier étage
Le dernier étage, cétait son laboratoire qui
lui servait de lieu de travail et renfermait son
rouet, son métier et tout le nécessaire pour ses
tâches journalières.
22...seule avec l'UNIQUE
Dollier de Casson jugea opportun de donner à
lentrée dans sa nouvelle cellule toute la
solennité possible. Après avoir passé de nouveau
un examen canonique, question de vérifier une
dernière fois lauthenticité dune vocation qui
exige un équilibre peu commun, la cérémonie fut
fixée au 5 août 1695.
Cétait un vendredi après-midi, en la fête
de Notre-Dame des Neiges. Après les vêpres
solennelles, les fidèles quittent léglise
Notre-Dame, en procession à la suite du
clergé, en chantant des psaumes et récitant des
prières. On se rend à la maison de Monsieur Le
Ber où Jeanne, en prière, attendait quon vienne
la chercher. Sur le seuil, elle apparaît, belle
dans sa modestie et son recueillement, vêtue
dune robe gris blanc, une ceinture noire et une
coiffe blanche qui lui retombe sur les
épaules. Elle quitte ainsi la maison paternelle,
accompagnée de son père. Le cortège se met en
marche vers la chapelle de la Congrégation. A la
porte du sanctuaire, le père terrassé par
lémotion est contraint de se retirer. Le
lendemain,fête de la Transfiguration, il sera
présent à la messe, ratifiant ainsi le don
quil avait fait à Dieu de son unique fille.
Monsieur Dollier de Casson qui préside la
cérémonie bénit la petite chambre , puis
en présence du clergé, des Sœurs de la
Congrégation et des fidèles que
léglise avait pu contenir, il exhorte la recluse
agenouillée à y persévérer comme
jadis sainte Marie-Madeleine dans sa
grotte . Au chant des litanies de la Sainte
Vierge, il la conduit à son
ermitage.. Elle sy enferme elle-même
à jamais pour y continuer son même style
de vie, sous le simple nom de Sœur Le Ber.
23Sentinelle
de l'Invisible
Dans le petit jardin de la Congrégation, comme
dans le secret et le silence des plus hautes
forêts tropicales, venait déclore aux regards de
tous une des plus blanches et des plus belles
orchidées jamais épanouies sur le sol de la
Nouvelle-France.
Présente à la PRÉSENCE, à proximité de son
Seigneur, Jeanne portera dans sa prière ce
monde quelle semblait fuir. Elle a souci tant
de Dieu que des autres.
De nombreuses églises bénéficieront de ses
largesses elle les dotait de vases
sacrés, de linges, vêtements et ornements
liturgiques cousus et brodés de
ses mains dartiste.
Les pauvres seront toujours présents à sa pensée.
Elle les assistera dans leurs besoins, en leur
confectionnant des vêtements et en pourvoyant à
linstruction de leurs filles.
Quant à la Congrégation de Notre-Dame, la sainte
recluse la secondera dans la construction du
pensionnat et le versement de pensions pour les
étudiantes pauvres.
Pale brodée par Jeanne conservée à la
Maison Saint-Gabriel
24tu es un Dieu qui se cache
Vraiment
Is 45,15
cest dans la nuit quil est beau de croire à la
lumière
En 1698, Mgr de Saint-Vallier, évêque de Québec,
décide de visiter la recluse. Deux Anglais de
considération , nous dit Faillon, expriment au
prélat le désir de la visiter dans sa cellule.
Lévêque acquiesce à leur demande. Les visiteurs
furent frappés par la pauvreté et lexiguïté des
lieux. Lun deux, ministre protestant, ose
sinformer du motif qui la poussait à vivre
dune si étrange manière, elle qui pouvait se
payer tout ce quelle voulait dans le monde.
Jeanne ouvrit la petite fenêtre par laquelle elle
recevait la communion et dit Cest une pierre
daimant qui ma attirée dans cette cellule et
qui my tient ainsi séparée de toutes les
jouissances et des aises de la vie Voilà ma
pierre daimant! Notre-Seigneur,véritablement
présent dans la Sainte Eucharistie,qui mengage
à renoncer à toutes choses, pour avoir le bonheur
de vivre auprès de lui sa personne a pour moi un
attrait irrésistible .
Une telle affirmation nous laisse croire que sa
prière la transportait au septième ciel! Monsieur
de Belmont nous renseigne à ce sujet Son
oraison mentale était très douce et tranquille
dans les commencements, mais plus de vingt ans
avant sa mort, elle a passé dans une continuelle
sécheresse, aridité et obscurité nayant pour
guide que la pure foi et le soutien de
laccomplissement de la volonté de Dieu.
Crois-tu cela disait Jésus à maintes reprises
et non Sens-tu cela !
25Le Seigneur est mon berger
je ne manque d'aucun bien
Ps 23
Jeanne sétait enfoncée dans la solitude,
répondant à un appel pressant,
irrésistible. Elle a brûlé comme une lampe
ardente devant le tabernacle près de vingt ans et
vécu en réclusion durant 34 ans. Elle franchit à
52 ans la frontière de linvisible, le 3 octobre
1714, après à peine trois semaines de maladie.
Pour qui possède Dieu, que peut-il lui
manquer? Tout comme Jeanne, chacun porte en soi
son Sahara intérieur où, dans le silence de
son cœur, il peut toujours rejoindre lHÔTE
DIVIN.
Et voici que je suis avec vous tous les jours
jusquà la fin du monde. Mt
28,20
Tant de souffrances, tant de silence, tant de
prières, tant de nuits blanches, gardent leur
poids dans le cœur de Dieu. La découverte récente
des ossements de Jeanne Le Ber nest peut-être
pas le fruit du hasard. Dieu voudraitil faire
surgir de lombre sa servante? Que celui qui en
doute demande limpossible le marbre criera,
les boiteux danseront, les muets chanteront, le
silence éclatera. On verra des merveilles!
26Jeanne...ambassadrice
auprès du CIEL
Loin de fuir les problèmes et les souffrances de
ses proches et de ses concitoyens, elle les porte
dans sa prière et loffrande de sa vie mortifiée.
Ainsi prie-t-elle pour la paix du pays engagé
dans une lutte à finir entre la France et
lAngleterre.
On était en 1711. Une armée ennemie de trois
mille hommes savançait vers Montréal sous les
ordres de Nicholson et la nombreuse flotte de
Walker montait le Saint-Laurent vers Québec.
Lorsquon recourut à sa prière, elle eut comme
simple réponse
La très sainte Vierge aura soin de ce pays.
Elle est la gardienne de Ville-Marie. Nous ne
devons rien craindre.
À la demande du baron de Longueuil, son cousin
commandant des troupes canadiennes, elle lui fait
remettre un étendard de la Vierge sur lequel elle
avait écrit une prière de sa composition.
La bannière de Marie en tête, la troupe se met en
marche contre larmée de terre qui ne vient pas.
Nicholson, ayant appris le naufrage de sept
navires de Walker sur les récifs de
lÎle-aux-Œufs, avait rebroussé chemin vers
Boston. Le pays fut sauvé de linvasion anglaise.
Monsieur de Belmont, supérieur de Saint-Sulpice,
nhésita pas à dire que cette grâce fut obtenue
par lintercession de la Mère de Dieu quavait
sollicitée la sainte Recluse.
En ce 21e siècle où les troubles de toutes
sortes se multiplient, Jeanne ne pourrait-elle
pas être notre ambassadrice céleste pour nos
familles, nos pays ?
27Dieu éternel et tout-puissant, nous te louons
pour ta servante Jeanne Le Ber. Fidèle à la grâce
de ton appel, elle a tout quitté pour vivre en
silence dans une solitude absolue, afin de sunir
toujours plus à ton Fils Jésus présent dans
lEucharistie.
À sa prière, ravive notre foi en lEucharistie,
rends-nous attentifs aux appels de ta grâce et
accorde-nous la faveur que nous te demandons en
ce moment . . . Nous ten prions par
Jésus-Christ, ton Fils Notre-Seigneur. AMEN
Gloire au Père, au Fils et au Saint-Esprit, au
Dieu qui est, qui était et qui vient, pour les
siècles des siècles. AMEN.
28 TEXTE Inspiré en grande partie
du volume
BLANCHE ORCHIDÉE de
Yvon Langlois
MUSIQUE Sentinelle de linvisible
CD Jeanne Le Ber
Francine Lavigne CND
Thérèse Nadeau CND
MONTAGE Yolande CND
Verrières à lEglise Notre-Dame