Title: Daniel Villaperla vous pr
1Daniel Villaperla vous présente les Poèmes dis
lors des tournois de bridge des ANGES du 1er
au 14-10-2006
Attendez que la musique de Mozart démarre et
prenez le temps dapprécier les textes poétiques
que vous aimez dans cette sélection Les
diapositives changent au clic de la souris
2Les âmesamoureusesont leur propre langage
lèvres closesregards éloquents battements de
cœurs
Le langage des âmes amoureusesLiza
3Le jour où je vous vis pour la première
fois,Vous aviez un air triste et gai dans
votre voixPleuraient des rossignols captifs,
sifflaient des merles Votre bouche rieuse, où
fleurissaient des perles,Gardait à ses deux
coins dimperceptibles plis Vos grands yeux
bleus semblaient des calices remplisPar lorage,
et séchant les larmes de la pluieÀ la brise
davril qui chante et les essuie Et des ombres
passaient sur votre front vermeil,Comme un noir
papillon dans un rai de soleil.
Jean Richepin
4L'étincelleClaude-Joseph Dorat Donne-moi, ma
belle maîtresse,Donne-moi, disais-je, un
baiser,Doux, amoureux, plein de tendresse...Tu
n'osas me le refuser Mais que mon bonheur fut
rapide !Ta bouche à peine, souviens-t-en,Eut
effleuré ma bouche avide,Elle s'en détache à
l'instant.Ainsi s'exhale une étincelle.Oui,
plus que Tantale agité,Je vois, comme une onde
infidèle,Fuir le bien qui m'est présenté.Ton
baiser m'échappe, cruelle !Le désir seul m'en
est resté.
5Auprès de ce beau teint Agrippa
d'Aubigné Auprès de ce beau teint, le lys en
noir se change, Le lait en basané auprès de ce
beau teint,Du cygne la blancheur auprès de vous
s'éteint, Et celle du papier où est votre
louange. Le sucre est blanc, et lorsqu'en la
bouche on le range Le goût plaît, comme fait
le lustre qui le peint.Plus blanc est l'arsenic,
mais c'est un lustre feint, Car c'est mort,
c'est poison à celui qui le mange. Votre blanc
en plaisir teint ma rouge douleur, Soyez douce
de goût, comme belle en couleur,Que mon espoir
ne soit démenti par l'épreuve, Votre blanc ne
soit point d'aconite noirci, Car ce sera ma
mort, belle, si je vous trouveAussi blanche que
neige, et froide tout ainsi.
6Voyelles Arthur RIMBAUD A noir, E blanc, I
rouge, U vert, O bleu voyelles, Je dirai
quelque jour vos naissances latentes A, noir
corset velu des mouches éclatantes Qui
bombinent autour des puanteurs cruelles, Golfes
d'ombre E, candeurs des vapeurs et des tentes,
Lances des glaciers fiers, rois blancs,
frissons d'ombellesI, pourpres, sang craché,
rire des lèvres belles Dans la colère ou les
ivresses pénitentes U, cycles, vibrements
divins des mers virides, Paix des pâtis semés
d'animaux, paix des ridesQue l'alchimie imprime
aux grands fronts studieux O, suprême
Clairon plein des strideurs étranges,
Silences traversés des Mondes et des Anges O
l'Oméga, rayon violet de Ses Yeux !--
7 A l'éclair violent de ta face divine,
N'étant qu'homme mortel, ta céleste beautéMe
fit goûter la mort, la mort et la ruine Pour
de nouveau venir à l'immortalité. Ton feu divin
brûla mon essence mortelle, Ton céleste
m'éprit et me ravit aux Cieux, Ton âme était
divine et la mienne fut telle Déesse, tu
me mis au rang des autres dieux. Ma bouche osa
toucher la bouche cramoisie Pour cueillir,
sans la mort, l'immortelle beauté, J'ai vécu de
nectar, j'ai sucé l'ambroisie, Savourant le
plus doux de la divinité. Aux yeux des dieux
jaloux, remplis de frénésie, J'ai des autels
fumants comme les autres dieux, Et pour moi,
dieu secret, rougit la jalousie Quand mon
astre inconnu a déguisé les Cieux. Même un dieu
contrefait, refusé de la bouche, Venge à
coups de marteaux son impuissant courroux,
Tandis que j'ai cueilli le baiser et la couche
Et le cinquième fruit du nectar le plus
doux. Ces humains aveuglés envieux me font
guerre, Dressant contre le ciel l'échelle,
ils ont monté,Mais de mon paradis je méprise
leur terre Et le ciel ne m'est rien au prix
de ta beauté.
A l'éclair violent de ta face divine Agrippa
d'Aubigné
8D'un Vanneur de blé, aux vents Joachim DU
BELLAY A vous troppe legere Qui d'aele
passagerePar le monde volez, Et d'un
sifflant murmureL'ombrageuse verdure
Doulcement esbranlez, J'offre ces violettes,
Ces lis, et ces fleurettesEt ces roses icy,
Ces vermeillettes roses,Tout freschement
écloses, Et ces oeilletz aussi.De vostre
doulce halaine Eventez ceste plaine,Eventez
ce sejour Cependant que j'ahanneA mon blé,
que je vanne A la chaleur du jour.
9Odelette Charles BAUDELAIRE Araignée grise,
Araignée d'argent, Ton échelle exquise
Tremble dans le vent. Toile d'araignée --
Émerveillement -- Lourde de rosée Dans le
matin blanc! Ouvrage subtil Qui frissonne
et ploie, Ô maison de fil, Escalier de
soie ! Araignée grise, Araignée d'argent,
Ton échelle exquise Tremble dans le vent
10Au-dessus des étangs, au-dessus des vallées,
Des montagnes, des bois, des nuages, des
mers,Par delà le soleil, par delà les éthers,
Par delà les confins des sphères étoilées, Mon
esprit, tu te meus avec agilité, Et, comme
un bon nageur qui se pâme dans l'onde,Tu
sillonnes gaiement l'immensité profonde Avec
une indicible et mâle volupté. Envole-toi bien
loin de ces miasmes morbides Va te purifier
dans l'air supérieur, Et bois, comme une pure et
divine liqueur, Le feu clair qui remplit les
espaces limpides. Derrière les ennuis et les
vastes chagrins Qui chargent de leur poids
l'existence brumeuse,Heureux celui qui peut
d'une aile vigoureuse S'élancer vers les
champs lumineux et sereins Celui dont les
pensers, comme des alouettes, Vers les cieux
le matin prennent un libre essor, -- Qui plane
sur la vie, et comprend sans effort Le
langage des fleurs et des choses muettes
Elévation Madeleine LEY
11Les roses de Saadi Marcelline
Desbordes-Valmore J'ai voulu ce matin te
rapporter des roses Mais j'en avais tant pris
dans mes ceintures closesQue les noeuds trop
serrés n'ont pu les contenir. Les noeuds ont
éclaté. Les roses envolées Dans le vent, à la
mer s'en sont toutes allées,Elles ont suivi
l'eau pour ne plus revenir La vague en a paru
rouge et comme enflammée. Ce soir, ma robe
encore en est tout embaumée...Respires-en sur
moi l'odorant souvenir.
12LE VIN DES AMANTSCharles BAUDELAIRE
Aujourd'hui l'espace est splendide!Sans mors,
sans éperons, sans bride, Partons à cheval sur
le vin Pour un ciel féerique et divin!Comme
deux anges que torture Une implacable calenture,
Dans le bleu cristal du matin Suivons le mirage
lointain!Mollement balancés sur l'aile Du
tourbillon intelligent, Dans un délire
parallèle,Ma sœur, côte à côte nageant, Nous
fuirons sans repos ni trêves
13La fenêtre de la maison paternelle Autour du
toit qui nous vit naître Un pampre étalait ses
rameauxSes grains dorés, vers la fenêtre,
Attiraient les petits oiseaux. Ma mère,
étendant sa main blanche, Rapprochait les
grappes de miel, Et les enfants suçaient la
branche, Qu'ils rendaient aux oiseaux du ciel.
L'oiseau n'est plus, la mère est morte Le
vieux cep languit jaunissant, L'herbe d'hiver
croît sur la porte, Et moi je pleure en y
pensant. C'est pourquoi la vigne enlacée Aux
mémoires de mon berceau, Porte à mon âme une
pensée, Et doit ramper sur mon tombeau.
Alphonse de LAMARTINE
14 Avril ouvre à deux battantsLe
printempsL'été le suit, et déploieSur la terre
un beau tapisFait d'épis,D'herbes, de fleurs,
et de joie.Buvons, mangeons becquetonsLes
festonsDe la ronce et de la vigneLe banquet
dans la forêtEst tout prêtChaque branche nous
fait signe.Les pivoines sont en feuLe ciel
bleuAllume cent fleurs éclosesLe printemps
est pour nos yeuxTout joyeuxUne fournaise de
roses.Victor Hugo
CHANSON DES OISEAUX
15Ballade pour une amoureuseThéodore de
BanvilleMuse au beau front, muse sereine,
Plus de satire, j'y consens.N'offensons pas
avec ma haine Le calme éther d'où tu
descends.Je chante en ces vers caressants
Une lèvre de pourpre, écloseSous l'éclair des
cieux rougissants, Ici tout est couleur de
rose. Ma guerrière a le front d'Hélène. Son
long regard aux feux puissantsResplendit comme
une phalène. Tout est digne de mes accents
Là, sur ces contours frémissants Où le rayon
charmé se pose,La neige et les lys fleurissants
Ici tout est couleur de rose. Quelle
tendre voix de sirène, Au soir, aux astres
pâlissantsDira la blancheur de ma reine ?
Éteignez-vous, cieux languissants !O chères
délices ! je sens Se poser sur mon front
moroseLes longs baisers rafraîchissants ! Ici
tout est couleur de roseQue de trésors
éblouissants Et dignes d'une apothéose
!Fleurs splendides, boutons naissants, Ici
tout est couleur de rose.
16Hiéroglyphe Charles Cros J'ai trois fenêtres
à ma chambre L'amour, la mer, la mort,
Sang vif, vert calme, violet. Ô femme, doux et
lourd trésor ! Froids vitraux, odeurs d'ambre.
La mer, la mort, l'amour, Ne sentir que
ce qui me plaît... Femme, plus claire que le
jour ! Par ce soir doré de septembre, La
mort, l'amour, la mer, Me noyer dans l'oubli
complet. Femme ! femme ! cercueil de chair !
17La corbeilleCécile Sauvage Choisis-moi, dans
les joncs tressés de ta corbeille,Une poire
d'automne ayant un goût d'abeille,Et dont le
flanc doré, creusé jusqu'à moitié,Offre une
voûte blanche et d'un grain régulier.Choisis-moi
le raisin qu'une poussière voileEt qui semble un
insecte enroulé dans sa toile.Garde-toi
d'oublier le cassis desséché,La pêche qui
balance un velours ébréchéEt cette prune bleue
allongeant sous l'ombrageSon oeil d'âne troublé
par la brume de l'âge.Jette, si tu m'en crois,
ces ramures de buisEt ces feuilles de chou, mais
laisse sur tes fruitsS'entre-croiser la mauve et
les pieds d'alouetteQu'un liseron retient dans
son fil de clochettes.
18Ton visageOdilon-Jean Périer Ton visage est
le mot de la nuit étoiléeUn ciel obscur s'ouvre
lentement dans tes brasOù le plaisir plus vain
que la flamme argentéeComme un astre brisé
brille et tremble tout basVivante, conduis-moi
dans ce nocturne empireDont l'horizon mobile
enferme notre amour.Je touche un paysage il
s'éclaire, il respireEt prend quelque couleur
sans attendre le jour.Que de choses j'apprends
au défaut de tes larmesSur le point de me perdre
où tu m'as précédé,Mais enfin je renonce à
détourner tes armes.Je reconnais un corps que je
dois te céder.Perdons-nous ! Parcourons cette
courbe profonde Que tes genoux légers ne me
délivrent pas.Que je sois seul au mondeAu
moment de tes larmes.Que la paix de l'amour
commence sous nos pas.
19J'ai vu ce matinCécile Sauvage Jai vu ce
matin la lunePâle dans les longs bouleauxEt
cette image importuneReviendra dans mon
cerveau.Elle viendra persistanteComme un
avertissementDans un rêve qui me hanteEt jai
le bref sentimentQuau jour de ma destinéeDans
un bouleau langoureuxLuiront nettement les
feuxDe cette lune obstinée
20Nul ne l'a vue et, dans mon coeur, Je garde sa
beauté suprême (Arrière tout rire moqueur !)
Et morte, je l'aime, je l'aime.J'ai consulté
tous les devins, Ils m'ont tous dit " C'est la
plus belle ! " Et depuis j'ai bu tous les vins
Contre la mémoire rebelle.Oh ! ses cheveux
livrés au vent ! Ses yeux, crépuscule d'automne
! Sa parole qu'encor souvent J'entends dans la
nuit monotone.C'était la plus belle, à jamais,
Parmi les filles de la terre... Et je l'aimais,
oh ! je l'aimais Tant, que ma bouche doit se
taire.J'ai honte de ce que je dis Car nul ne
saura ni la femme,Ni l'amour, ni le paradis Que
je garde au fond de mon âme.Que ces mots restent
enfouis, Oubliés, (l'oubliance est douce)Comme
un coffret plein de louis Au pied du mur couvert
de mousse.
A la plus belleCharles Cros
21L'adieu J'ai cueilli ce brin de bruyère
L'automne est morte souviens-t'enNous ne nous
verrons plus sur terre Odeur du temps brin de
bruyèreEt souviens-toi que je t'attends
Guillaume Apollinaire
22Parmi des chênes, accoudéeSur la colline au vert
gazon,Se dresse la blanche maison,De
chèvrefeuille enguirlandée.A la fenêtre, où
dans des pots,Fleurit la pâle marguerite,Soupire
une autre Marguerite Mon cœur a perdu son
repos... Le lin moule sa gorge plateRiche de
candides aveux,Et la splendeur de ses
cheveuxAinsi qu'un orbe d'or éclate.Va-t-elle
murmurer mon nom ?Irons-nous encor sous les
gravesPorches du vieux burg des burgraves
?Songe éteint, renaîtras-tu ? - non !Jean
Moréas
23Félix ArversMon âme a son secret, ma vie a
son mystère,Un amour éternel en un moment conçu
Le mal est sans espoir, aussi j'ai dû le
taire,Et celle qui l'a fait n'en a jamais rien
su.Hélas ! j'aurai passé près d'elle
inaperçu,Toujours à ses côtés, et pourtant
solitaire.Et j'aurai jusqu'au bout fait mon
temps sur la terre,N'osant rien demander et
n'ayant rien reçu.Pour elle, quoique Dieu l'ait
faite douce et tendre,Elle suit son chemin,
distraite et sans entendreCe murmure d'amour
élevé sur ses pas.À l'austère devoir,
pieusement fidèle,Elle dira, lisant ces vers
tout remplis d'elle" Quelle est donc cette femme
? " et ne comprendra pas.
24AutomneRené-Guy CadouOdeur des pluies de mon
enfanceDerniers soleils de la saison !A sept
ans comme il faisait bon,Après d'ennuyeuses
vacances,Se retrouver dans sa maison !La
vieille classe de mon père, Pleine de guêpes
écrasées,Sentait l'encre, le bois, la craieEt
ces merveilleuses poussièresAmassées par tout un
été.O temps charmant des brumes douces,Des
gibiers, des longs vols d'oiseaux,Le vent
souffle sous le préau,Mais je tiens entre paume
et pouce Une rouge pomme à couteau.
25Mon litQuelle surprise que la sensation de ta
tendresse en moiUne nouvelle connaissance de la
sensualitéPourtant je connais ton corpsJe lai
parcouru des dizaines de foisToi, lhomme, le
partenaire au visage multipleTu mapparais
encore une foisMais tu baisses le masqueTon
sourire nest plus sensuelIl est simplement
plaisirTa langue est douce mais plus comme
lenvie de ton corpsQuand je touche tes lèvres
je ny sens que tendresseLa sensualité que je
connaissais a disparuCest dune autre dont je
fais lexpérienceMais je sens que je ne pourrais
pas my reconnaîtrecomme dans lautreOù
irais-je ?Quelle sera mon chemin ?Quelles mains
laisserais-je me toucher ?
Amelie Ambry
26est une fine faucille,un trait frisésur le
visage du ciel,une mèche de lumièregaie et
polissonnequi tient en suspensionle doux espoir
des amants,leurs regards absents,leurs prières
récitéesd'une voix soumisedans l'anxiété du
soir.Nous savons que viventdes amours
impossiblesou malheureuses,sans doute les plus
pures,qui sont déchirées, brûlées,réduites en
cendresdans la folle passion,abattues en plein
vol,sacrifiées et immoléescomme un agneau sur
l'autel.Mais elles se cherchent encoreet se
reconnaissent,leurs mains s'effleurentet
s'abandonnent à regret,anges à une seule
aileblottis dans le soirde ce jour qui ne finit
pas.
Alex Ce soir la lune
27Préludeau temps d'écrireNathA pas de luneA
cris de loupDans le silence des bouteillesJ'ai
vu la nuit me revenirSa gorge sècheSon œil de
verreSa robe d'hier et d'ailleursJ'ai vu
l'araignée du matinTisser sa toile
d'ignoranceAu crépuscule de mes mainsJ'ai vu
les mots se dépouillerDe leurs initiales
premièresEt l'amour changer de visage
28Mon amie,ma jumelle...ClaireNous avions
ensemble décidéQue nous étions jumellesUnies à
la vie, à la mortAu plus profond de nos
corps.Je pouvais lire dans ses prunellesAussi
bien que dans ses penséesDun simple regard, on
se comprenaitNul besoin de mots pour nous
parlerUn voile de tendresse nous
enveloppaitMais un peu damour nous suffisait..
29MélancolieSoniaAujourd'huimême la pluiese
tait,en fils argentéselle tombe du cielsans
chanter.Les nuages sont telsdes
syllabes blanchesdans lesquelles se noientles
primes hirondelles.Dans mes brasj'étreinsma
mélancolie,tristes et monotoness'écoulent les
heuresalors que le jours'endort.
30ChevelureLeïla ZhourChevelureChevelure
insensée déversée dans l'infini du
ventTentacules de soie épanduesaux confins de
l'universMa main glisse sur les cheveux si
finsPerdue, éperdue de douceurSous un écheveau
de tendresseUne chevelureLa mienne, la
tienneS'étendEt langoureuse, aimanteElle est
drap lumineuxsur les blessures de la
conscienceVoilé dénoué sur les chemins du
songe...
31Au milieu des poupées indiennesSur les ailes
en duvetDe ses deux pigeons blancsJusqu'aux
premiers joursdu printempsElle dit qu'elle va
faireLe tour de la TerreEt qu'elle sera
rentréepour dînerMais les instants fragilesEt
les mots inutilesElle sait tout celaQuand elle
écoutepousser les fleursAu milieu du bruit des
moteursQuand les autres s'emportentQuand
j'arrive à m'enfuirC'est chez elleque je vais
dormirEt c'est vrai que j'ai peurde lui faire
un enfant... Francis Cabrel
- Elle écoute pousser les fleurs
- Elle écoute pousser les fleursAu milieu du bruit
des moteursAvec de l'eau de pluieEt du parfum
d'encensElle voyagede temps en tempsElle n'a
jamais rien entenduDes chiens qui aboientdans
la rueElle fait du pain doréTous les joursà
quatre heuresElle mène sa vie en couleurElle
collectionneLes odeurs de l'automneEt les
brindilles de bois mortQuand l'hiver arriveElle
ferme ses livresEt puis doucementElle
s'endortsur des tapis de laine
32Ciel brouillé Charles BaudelaireOn dirait ton
regard d'une vapeur couvert Ton oeil mystérieux
(est-il bleu, gris ou vert ?)Alternativement
tendre, rêveur, cruel,Réfléchit l'indolence et
la pâleur du ciel.Tu rappelles ces jours
blancs, tièdes et voilés,Qui font se fondre en
pleurs les coeurs ensorcelésQuand, agités d'un
mal inconnu qui les tord,Les nerfs trop éveillés
raillent l'esprit qui dort.Tu ressembles
parfois à ces beaux horizons Qu'allument les
soleils des brumeuses saisons...Comme tu
resplendis, paysage mouilléQu'enflamment les
rayons tombant d'un ciel brouillé.O femme
dangereuse, ô séduisants climats !Adorerai-je
aussi ta neige et vos frimas,Et saurai-je tirer
de l'implacable hiverDes plaisirs plus aigus que
la glace et le fer ?
33Je suis iciChiccaJe suis ici,entre la
lumièreet les feuilles,sous la tonnelledu
jardin aux citrons,et j'attends ton
retour.Seule avec l'échode mes mots,je
voudrais entendreles tiens.Telles des
épinglesde petites larmesme piquent aux
yeuxfatigués par l'attente.Attente vaine, sans
fin,oxygène et miel,eau qui tombeet
dégoulinesur les toitsde mon âme.
34Dans ma voixChiccaUn silence dans ma
voixs'en vient et s'en vacomme un reflet de
lumièreau coucher du soleil,telle une vague
impétueuseje l'entends gronder,c'est le silence
des mots perdus,la mélopée triste du ventqui
frappe à ma porte.
35ModèleDorothée KoppTu m'as trouvée,petit bout
d'argileperdu dans un coin de ville.Timidement
d'abord,tu m'as effleuréede tes doigts
curieuxtu m'as roulée entre tes mainsqui ont
fini par me trouver une forme.Et sous la pluie
qui devint mon sang,tu m'as mis des diamants de
ruedans les yeuxet tu m'as faite matière de tes
rêves.Puis tu m'as installéedans une jolie cage
doréesur la porte on lisait "Oneiros"et partout
de belles imagespartout des mots de soie.Je me
croyais librejusqu'à ce que tu ouvres la
porte.Et parfois encore tu rêvesd'un petit bout
d'argilequi roule et se cherche un nouveau coin
de ville.
36Etre soi MicheleEtre bien, être soi,Comme
l'eau dans son litEt se laisser parfoisGlisser
vers l'infini.Contourner sans effortLes pierres
du cheminEt de l'âme et du corpsAvoir la clef,
enfin Se sentir soutenuPar tant de naturelEt
être convaincu Par cette paix charnelleCaresser
d'une mainLa pensée qui s'approcheN'être qu'un,
être bienSans que le coeur s'accroche
37VisageMarie-Amélie ChavanneSouvent, il
m'est arrivé de vivre sous le charme d'un visage
que j'aimais. Les tâches les plus quotidiennes
me devenaient légères dès l'instant où je portais
en moi cette vision. C'était comme une image
adorable qui me souriait, l'eau douce et nuancée
d'un rêve où tremblaient sans répit les ondes
infinies de la tristesse et de la joie... mais
toujours l'image me souriait, encourageant mon
cœur et fleurissant ma vie...
38La soupe et les nuagesCharles BaudelaireMa
petite folle bien-aimée me donnait à dîner et,
par la fenêtre ouverte de la salle à manger, je
contemplais les mouvantes architectures que Dieu
fait avec les vapeurs, les merveilleuses
constructions de l'impalpable. Et je me disais, à
travers ma contemplation "Toutes ces
fantasmagories sont presque aussi belles que les
yeux de ma belle bien-aimée, la petite folle
monstrueuse aux yeux verts."Et tout à coup je
reçus un violent coup de poing dans le dos et
j'entendis une voix rauque et charmante, une voix
hystérique et comme enrouée par l'eau-de-vie, la
voix de ma chère bien-aimée, qui disait
"Allez-vous bientôt manger votre soupe, s... b...
de marchand de nuages ?"
39Réconciliation Charles Cros J'ai fui par un
soir monotone, Pardonne-moi ! -- Je te
pardonne, Mais ne me parle de personne.-- Il
m'a trompée avec sa voix, Il m'a menée au
fond des bois Mais aujourd'hui, je te
revois.-- Ne parle de personne, chère !
Respirons la brise légère Et l'oubli de toute
chimère.-- Oui, l'oubli ! tu dis vrai. Le jour
Finit rose pour mon retour Je te dois
cette nuit d'amour.-- La nuit d'amour est toute
prête Nous avons du vin pour la fête
Et la folie est dans ma tête.-- Ta chambre est
chaude comme avant Et l'on entend le bruit du
vent Qui nous endormait en rêvant.-- Tu me
parais encor plus belle Plus fièrement ta
chair rebelle Gonfle ton corsage en
dentelle.-- Tu deviens pâle, mon ami ! Viens
dans le lit noyons parmi Nos baisers ton
cœur endormi.
40J'ai fait mon ciel d'un nuageEt ma forêt d'un
roseau.J'ai fait mon plus long voyageSur une
herbe d'un ruisseau. D'un peu de ciment la
villeD'une flaque d'eau la mer.D'un caillou,
j'ai fait mon îleD'un glaçon, j'ai fait l'hiver.
Et chacun de vos silencesEst un adieu sans
retour,Un moment d'indifférenceToute une peine
d'amour.C'est ainsi que lorsque j'oseOffrir à
votre beautéUne rose, en cette roseSont tous
les jardins d'été.GillesVigneault
41Sous le pont Mirabeau coule la SeineEt nos
amoursFaut-il qu'il m'en souvienneLa joie
venait toujours après la peine Vienne la
nuit sonne l'heure Les jours s'en vont
je demeureLes mains dans les mains restons face
à faceTandis que sousLe pont de nos bras
passeDes éternels regards l'onde si lasse
Vienne la nuit sonne l'heure Les
jours s'en vont je demeureL'amour s'en va comme
cette eau couranteL'amour s'en vaComme la vie
est lenteEt comme l'Espérance est violente
Vienne la nuit sonne l'heure Les
jours s'en vont je demeurePassent les jours et
passent les semainesNi temps passéNi les amours
reviennentSous le pont Mirabeau coule la Seine
Vienne la nuit sonne l'heure Les
jours s'en vont je demeure
Apollinaire
"Le Pont Mirabeau"
42Dans la clairière Charles CrosPour plus
d'agilité, pour le loyal duel, Les témoins
ont jugé qu'Elles se battraient nues.Les causes
du combat resteront inconnues Les deux ont
dit Motif tout individuel.La blonde a le corps
blanc, plantureux, sensuel Le sang rougit
ses seins et ses lèvres charnues.La brune a le
corps d'ambre et des formes ténues Les
cheveux noirs-bleus font ombre au regard
cruel.Cette haie où l'on a jeté chemise et robe,
Ce corps qui tour à tour s'avance ou se
dérobe,Ces seins dont la fureur fait se dresser
les bouts,Ces battements de fer, ces sifflantes
caresses, Tout paraît amuser ce jeune homme à
l'oeil douxQui fume en regardant se tuer ses
maîtresses.
43Le Lac Alphonse de Lamartine Ainsi,
toujours poussés vers de nouveaux rivages,
Dans la nuit éternelle emportés sans retour,Ne
pourrons-nous jamais sur l'océan des âges
Jeter l'ancre un seul jour ? O lac! l'année à
peine a fini sa carrière, Et près des flots
chéris qu'elle devait revoir,Regarde! je viens
seul m'asseoir sur cette pierre Où tu la
vis s'asseoir ! Tu mugissais ainsi sous ces
roches profondes Ainsi tu te brisais sur
leurs flancs déchirés Ainsi le vent jetait
l'écume de tes ondes Sur ses pieds
adorés. Un soir, t'en souvient-il ? nous
voguions en silence, On n'entendait au loin,
sur l'onde et sous les cieux,Que le bruit des
rameurs qui frappaient en cadence Tes flots
harmonieux.
Tout à coup des accents inconnus à la terre
Du rivage charmé frappèrent les échos Le flot
fut attentif, et la voix qui m'est chère
Laissa tomber ces mots O temps, suspends ton
vol! et vous, heures propices Suspendez votre
cours Laissez-nous savourer les rapides délices
Des plus beaux de nos jours ! Assez de
malheureux ici-bas vous implorent, Coulez,
coulez pour eux Prenez avec leurs jours les
soins qui les dévorent, Oubliez les
heureux .Mais je demande en vain quelques
moments encore, Le temps m'échappe et fuit
Je dis à cette nuit Sois plus lente et
l'aurore Va dissiper la nuit. SUITE..
44Aimons donc, aimons donc! de l'heure
fugitive,Hâtons-nous, jouissons !L'homme n'a
point de port, le temps n'a point de rive
Il coule, et nous passons ! Temps jaloux, se
peut-il que ces moments d'ivresse, Où
l'amour à longs flots nous verse le
bonheur,S'envolent loin de nous de la même
vitesse Que les jours de malheur ?Eh quoi!
n'en pourrons-nous fixer au moins la trace ?
Quoi! passés pour jamais ? quoi! tout entiers
perdus ?Ce temps qui les donna, ce temps qui les
efface, Ne nous les rendra plus
? Eternité, néant, passé, sombres abîmes,
Que faites-vous des jours que vous engloutissez
?Parlez nous rendrez-vous ces extases sublimes
Que vous nous ravissez ?
-
- O lac ! rochers muets ! grottes ! forêt obscure !
Vous, que le temps épargne ou qu'il peut
rajeunir,Gardez de cette nuit, gardez, belle
nature, Au moins le souvenir ! - Qu'il soit dans ton repos, qu'il soit dans tes
orages, Beau lac, et dans l'aspect de tes
riants coteaux,Et dans ces noirs sapins, et dans
ces rocs sauvages Qui pendent sur tes eaux - Qu'il soit dans le zéphyr qui frémit et qui
passe, Dans les bruits de tes bords par tes
bords répétés,Dans l'astre au front d'argent qui
blanchit ta surface De ses molles clartés. - Que le vent qui gémit, le roseau qui soupire
Que les parfums légers de ton air embaumé,Que
tout ce qu'on entend, l'on voit ou l'on respire,
Tout dise Ils ont aimé ! - Alphonse de Lamartine
45Musique de Mozart Romance du Concerto pour
piano et orchestre N20 K.466
Poèmes et photos Internet
Daniel octobre 2006 villa.perla_at_wanadoo.fr Ce
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