Title: LITT
1LITTÉRATURE FRANÇAISEDU XXe SIÈCLE
Institut des Langues Romanes et de Traduction de
lUniversité de Silésie
Aleksandra Komandera
2Table des matières
- Le Nouveau Roman (lappellation, les ouvrages
théoriques, les représentants) - La définition et les composantes du roman dit
traditionnel - Les traits distinctifs de la nouvelle écriture
- (Mini)Anthologie critique
- (Mini)Anthologie littéraire
- Qui a dit?
- Glossaire
- Bibliographie
3Le Nouveau Roman (lappellation)
- Le Nouveau Roman est une appellation née dans
les années 1950 pour désigner plusieurs
écrivains, publiés aux Éditions de Minuit, qui
manifestent la volonté de renouveler le genre
romanesque. En se référant aux innovations
techniques de leurs prédécesseurs, tels André
Gide, Marcel Proust, Robert von Musil, James
Joyce, Virginia Woolf, William Faulkner ou Franz
Kafka, les nouveaux romanciers remettent en
question les composantes du roman traditionnel. - Le terme Nouveau Roman est employé pour la
première fois en 1957 par le critique Émile
Henriot.
4Le Nouveau Roman (les ouvrages théoriques)
- Le Nouveau Roman nest pas une école littéraire
et na établi de règles artistiques dans aucun
manifeste. Certains écrivains et théoriciens,
pourtant, se sont exprimés sur lentreprise de
contestation du roman traditionnel et sur les
nouvelles pratiques décriture. - Parmi eux
- Nathalie Sarraute, LÈre du soupçon (1956)
- Alain Robbe-Grillet, Pour un nouveau roman (1963)
- Michel Butor, Essai sur le roman (1964)
- Jean Ricardou, Problèmes du Nouveau Roman (1967)
et Pour une théorie du Nouveau Roman (1971)
5Le Nouveau Roman (les représentants)
- Lidentification des représentants du Nouveau
Roman reste une tentative assez difficile.
Certains auteurs ont contesté leur appartenance
au mouvement, dautres ont évolué vers des
esthétiques individuelles. -
- Les innovateurs romanesques sont
- Nathalie Sarraute (1900-1999) Le Planétarium
(1959) - Alain Robbe-Grillet (né en 1922) Les Gommes
(1953) - Michel Butor (né en 1926) LEmploi du temps
(1956) - Claude Simon (1913-2005) Les Géorgiques (1981)
- Robert Pinget (1919-1997) LInquisitoire (1962)
- Marguerite Duras (1914-1996) Moderato Cantabile
(1958) - Samuel Beckett (1906-1989) LInnommable (1953)
6La définition et les composantes du roman dit
traditionnel (I)
- ROMAN
- II 2. MOD. et COUR. Œuvre dimagination en
prose, assez longue, qui présente et fait vivre
dans un milieu des personnages donnés comme
réels, fait connaître leur psychologie, leur
destin, leurs aventures. - Le Petit Robert, Paris,
Dictionnaires Le Robert, 2000, p. 2237. -
- Toute définition lapidaire est une entreprise
hasardeuse car le roman est un genre protéiforme
et changeant, doù le risque de vagues
généralités. -
7La définition et les composantes du roman dit
traditionnel (II)
Les nouveaux romanciers remettent en question le
roman traditionnel (incarné surtout dans lœuvre
de Balzac) avec ses éléments inhérents au niveau
de la narration et au niveau de la fiction
(lespace et le temps, les événements, les
personnages).
LA NARRATION Dans le roman traditionnel, les
événements sont relatés par un narrateur
omniscient. La focalisation est neutre (zéro).
8La définition et les composantes du roman dit
traditionnel (III)
LESPACE ET LE TEMPS Les indices
spatio-temporels précis contribuent à la
construction de leffet de réel.
LES ÉVÉNEMENTS Lévolution chronologique
dévénements et lenchaînement de faits sont
respectés. Les étapes de lintrigue sont
prologue (exposition du sujet) nœud
dénouement.
9La définition et les composantes du roman dit
traditionnel (IV)
- LES PERSONNAGES
- Le protagoniste est décrit par
- le nom et les dénominations
- la profession
- le corps et lhabit
- le comportement et les gestes
- le langage
- le psychologique
- le biographique (le passé).
10Les traits distinctifs de la nouvelle écriture (I)
- La fin de lintrigue lhistoire racontée ne
suit plus le déroulement linéaire et
chronologique, elle ressemble à un puzzle que le
lecteur doit reconstituer - La mort du personnage le protagoniste nest
plus lélément primordial de lunivers
représenté, au contraire, cest une figure mal
identifiée (il peut être désigné par le prénom,
le pronom personnel ou linitiale, il peut aussi
avoir plusieurs identités) - La présence des objets dans un univers
déshumanisé, ce sont les objets qui comptent, ils
sont décrits dune façon minutieuse, doù la
qualification d école du regard associée au
Nouveau Roman
11Les traits distinctifs de la nouvelle écriture
(II)
- Le jeu avec le temps les indices temporels sont
confus, il est difficile de différencier les
scènes présentes des scènes passées, les
souvenirs se mêlent aux rêveries le nouveau
roman est appelé le roman du présent - Le nouvel univers il ne sagit plus de copier
la réalité, mais de montrer lincohérence du
monde - Lénonciation brouillée le texte littéraire se
compose des phrases polyphoniques, riches en
pronoms personnels, ce qui entrave la bonne
compréhension les nouveaux romanciers soulignent
limportance du dialogue ils emploient souvent
le flux de conscience (stream of consciousness)
- Le narrateur ignorant le savoir du narrateur
est limité, parfois il sait autant que le
personnage, parfois encore moins
12Les traits distinctifs de la nouvelle écriture
(III)
- Le recours à lintertextualité les nouveaux
romans évoquent des textes déjà existants par
lintermédiaire de citation ou de pastiche - Le rejet de message idéologique lœuvre
littéraire ne sert pas à propager des doctrines - Lemploi de certaines techniques p. ex. le
procédé de la série (répétition des motifs avec
de nettes variations), la mise en abyme - Le jeu avec le lecteur les nouveaux romanciers
cherchent à surprendre, provoquer, bouleverser le
destinataire afin quil participe activement à la
construction de la signification du texte.
13(Mini)Anthologie critique (I)
- Nathalie Sarraute, LÈre du soupçon, Paris,
Éditions Gallimard, 1956, pp. 72-74. - Aujourdhui, un flot toujours grossissant nous
inonde dœuvres littéraires qui prétendent encore
être des romans et où un être sans contours,
indéfinissable, insaisissable et invisible, un
je anonyme qui est tout et qui nest rien et
qui nest le plus souvent quun reflet de
lauteur lui-même, a usurpé le rôle du héros
principal et occupe la place dhonneur. Les
personnages qui lentourent, privés dexistence
propre, ne sont plus que des visions, rêves,
cauchemars, illusions, reflets, modalités ou
dépendances de ce je tout puissant. - Et lon pourrait se rassurer en songeant que ce
procédé est leffet dun égocentrisme propre à
ladolescent, dune timidité ou dune
inexpérience de débutant, si cette maladie
juvénile navait frappé précisément les œuvres
les plus importantes de notre temps (depuis À la
Recherche du Temps perdu et Paludes jusquau
Miracle de la Rose, en passant par Les Cahiers de
Malte Laurids Brigge, Le Voyage au bout de la
nuit et La Nausée), celles où leurs auteurs ont
montré demblée tant de maîtrise et une si grande
puissance dattaque. - Ce que révèle, en effet, cette évolution
actuelle du personnage de roman est tout à
lopposé dune régression à un stade infantile. - Elle témoigne, à la fois chez lauteur et chez
le lecteur, dun état desprit singulièrement
sophistiqué. Non seulement ils se méfient du
personnage de roman, mais, à travers lui, ils se
méfient lun de lautre. Il était terrain
dentente, la base solide doù ils pouvaient dun
commun effort sélancer vers des recherches et
des découvertes nouvelles. Il est devenu le lieu
de leur méfiance réciproque, le terrain dévasté
où ils saffrontent. Quand on examine sa
situation actuelle, on est tenté de se dire
quelle illustre à merveille le mot de Stendhal
le génie du soupçon est venu au monde . Nous
sommes entrés dans lère du soupçon.
14(Mini)Anthologie critique (II)
- Alain Robbe-Grillet, Pour un Nouveau Roman,
Paris, Les Éditions de Minuit, 1963, pp. 117-118. - Comme il y avait beaucoup dobjets dans nos
livres, et quon leur trouvait quelque chose
dinsolite, on a bien vite fait un sort au mot
objectivité , prononcé à leur sujet par
certains critiques dans un sens pourtant très
spécial tourné vers lobjet. Pris dans son sens
habituel neutre, froid, impartial , le mot
devenait une absurdité. Non seulement cest un
homme qui, dans mes romans par exemple, décrit
quelque chose, mais cest le moins neutre, le
moins impartial des hommes engagé au contraire
toujours dans une aventure passionnelle des plus
obsédantes, au point de déformer souvent sa
vision et de produire chez lui des imaginations
proches du délire. - Aussi est-il aisé de montrer que mes romans
sont plus objectifs même que ceux de Balzac, par
exemple. Qui décrit le monde dans les romans de
Balzac? Quel est ce narrateur omniscient,
omniprésent, qui se place partout en même temps,
qui voit en même temps lendroit et lenvers des
choses, qui suit en même temps les mouvements du
visage et ceux de la conscience, qui connaît à la
fois le présent, le passé et lavenir de toute
laventure? Ça ne peut être que Dieu. - Cest Dieu seul qui peut prétendre être
objectif, tandis que dans nos livres, au
contraire, cest un homme qui voit, qui sent, qui
imagine, un homme situé dans lespace et le
temps, conditionné par ses passions, un homme
comme vous et moi. Et le livre ne rapporte rien
dautre que son expérience, limitée, incertaine.
Cest un homme dici, un homme de maintenant, qui
est son propre narrateur, enfin.
15(Mini)Anthologie littéraire (I)
- Alain Robbe-Grillet, La Jalousie, Paris, Les
Éditions de Minuit, 1957, pp. 9-10. - Maintenant lombre du pilier le pilier qui
soutient langle sud-ouest du toit divise en
deux parties égales langle correspondant de la
terrasse. Cette terrasse est une large galerie
couverte, entourant la maison sur trois de ses
côtés. Comme sa largueur est la même dans la
portion médiane et dans les branches latérales,
le trait dombre projeté par le pilier arrive
exactement au coin de la maison mais il sarrête
là, car seules les dalles de la terrasse sont
atteintes par le soleil, qui se trouve encore
trop haut dans le ciel. Les murs, en bois, de la
maison cest-à-dire la façade et le pignon
ouest sont encore protégés de ses rayons par le
toit (toit commun à la maison proprement dite et
à la terrasse). Ainsi, à cet instant, lombre de
lextrême bord du toit coïncide exactement avec
la ligne, en angle droit, que forment entre elles
la terrasse et les deux faces verticales du coin
de la maison - Maintenant, A est entrée dans la chambre, par
la porte intérieure qui donne sur le couloir
central. Elle ne regarde pas vers la fenêtre,
grande ouverte, par où depuis la porte elle
apercevait ce coin de terrasse. Elle sest
maintenant retournée vers la porte pour la
refermer. Elle est toujours habillée de la robe
claire, à col droit, très collante, quelle
portait au déjeuner. Christiane, une fois de
plus, lui a rappelé que des vêtements moins
ajustés permettent de mieux supporter la chaleur.
Mais A sest contentée de sourire elle ne
souffrait pas de la chaleur, elle avait connu des
climats beaucoup plus chauds en Afrique par
exemple et sy était toujours bien portée. Elle
ne craint pas le froid non plus, dailleurs. Elle
conserve partout la même aisance.
16(Mini)Anthologie littéraire (III)
- Claude Simon, Histoire, Paris, Les Éditions de
Minuit, 1967, pp. 9-10. - lune delles touchait presque la maison et
lété quand je travaillais tard dans la nuit
assis devant la fenêtre ouverte je pouvais la
voir ou du moins ses derniers rameaux éclairés
par la lampe avec leurs feuilles semblables à des
plumes palpitant faiblement sur le fond de
ténèbres, les folioles ovales teintées dun vert
cru irréel par la lumière électrique remuant par
moments comme des aigrettes comme animées soudain
dun mouvement propre (et derrière on pouvait
percevoir se communiquant de proche en proche une
mystérieuse et délicate rumeur invisible se
propageant dans lobscur fouillis des branches),
comme si larbre tout entier se réveillait,
sébrouait se secouait, puis tout sapaisait et
elles reprenaient leur immobilité, les premières
que frappaient directement les rayons de
lampoule se détachant avec précision en avant
des rameaux plus lointains de plus en plus
faiblement éclairés de moins en moins distincts
entrevus puis seulement devinés puis complètement
invisibles quoiquon pût les sentir nombreux
sentrecroisant se succédant se superposant dans
les épaisseurs dobscurité doù parvenaient de
faibles froissements de faibles cris doiseaux
endormis tressaillant sagitant gémissant dans
leur sommeil - comme si elles se tenaient toujours là,
mystérieuses et geignardes, quelque part dans la
vaste maison délabrée, avec ses pièces maintenant
à demi vides où flottaient non plus les senteurs
des eaux de toilette des vieilles dames en visite
mais cette violente odeur de moisi de cave ou
plutôt de caveau comme si quelque cadavre de
quelque bête morte quelque rat coincé sous une
lame de parquet ou derrière une plinthe nen
finissait plus de pourrir exhalant ces âcres
relents de plâtre effrité de tristesse et de
chair momifiée
17(Mini)Anthologie littéraire (II)
- Jean Ricardou, La Prise de Constantinople, Les
Éditions de Minuit, 1965, pp. 9-10. - Rien.
- Sinon, peut-être, affleurant, le décalage
quinstaure telle certitude. - Le noir.
- Pour obscure quelle soit, il semble quon ne
puisse revenir du plus loin sans accréditer cette
figuration du vide. - Cest la nuit, donc.
- Et, déjà, peu à peu, une clarté diffuse
lélucide. - Bientôt, cercle au dessin parfait, la lune se
détache, sélève dans la transparence au-dessus
dune sombre architecture. - Quelques pas, risqués en oblique, permettent
déchapper à sa dangereuse évocation. - Exposées à lastre, plusieurs surfaces claires
matérialisent des créneaux. Lombre, que la
forteresse projette jusquici sur la pente selon
une réplique approximative, est raffinée en
innombrables échancrures par les accidents du
sol. Dans le détail, même, certaine inversion
dégrade les contours divers monticules éclairés
émergent de la région ombreuse la zone de
lumière est perforée de creux obscurs. - Si elle se laisse astreindre à une lecture
périlleuse excessive, lobservation ne pourra
plus éluder le rôle microscopique, sur les
versants du sable, des paillettes de mica.
18Exercice
- Caractérisez les incipit des fragments des
nouveaux romans proposés ci-dessus.
19Qui a dit ?
- Retrouvez les auteurs des citations suivantes
- a) Le roman nest plus lécriture dune
aventure, mais laventure dune écriture . - b) Le personnage a peu à peu tout perdu ses
ancêtres, sa maison soigneusement bâtie , ses
vêtements, son corps, son visage, ce bien
précieux entre tout, son caractère qui
nappartenait quà lui-même, souvent jusquà son
nom . - c) Lépoque actuelle est plutôt celle du
numéro matricule . -
Solution a) J. Ricardou b) N. Sarraute c)
A. Robbe-Grillet
20Glossaire (I)
- FLUX DE CONSCIENCE (stream of consciousness)
- Le courant de conscience est une sorte de
monologue intérieur du personnage. Il se
caractérise par des phrases courtes, juxtaposées,
interrompues, sans verbe. Le flux des pensées ne
suit pas lenchaînement logique. Très souvent le
passage de la narration aux réflexions du
personnage est imperceptible, doù la difficulté
de saisir la personne qui parle. - Pour la première fois le procédé est employé par
Édouard Dujardin dans son roman Les Lauriers sont
coupés (1887)
21Glossaire (II)
- FOCALISATION
- Cest le point de vue adopté par le narrateur
dans son récit. Gérard Genette distingue trois
types de focalisation - la focalisation zéro (le point de vue du
narrateur omniscient) - la focalisation interne (le savoir du narrateur
est limité au savoir du personnage) - la focalisation externe (le narrateur ignore
certaines informations, il semble savoir moins
que le personnage)
22Glossaire (III)
- INCIPIT
-
- Cest le début dun texte, les premières phrases
du texte. Lincipit remplit trois fonctions - informer (donner les informations sur le
personnage, le lieu et le temps de laction) - intéresser (donner au lecteur envie de lire
davantage) - proposer le pacte de lecture (informer sur le
type de texte, suggérer un modèle de lecture)
23Glossaire (IV)
- MISE EN ABYME
- Emprunté à lhéraldique, ce procédé désigne, en
peinture, la reprise en mineur dune scène ou
bien la présence du tableau dans le tableau. -
- En littérature, cest le phénomène du reflet du
texte principal dans le texte secondaire. Cette
technique est qualifiée de duplication
intérieure (L. Dällenbach)
24Bibliographie
- Ricardou J., La Prise de Constantinople,
- Robbe-Grillet A., La Jalousie, Paris, Les
Éditions de Minuit, 1957 Pour un Nouveau Roman,
Les Éditions de Minuit, 1963. - Sarraute N., LÈre du soupçon, Paris, Éditions
Gallimard, 1956. - Simon Cl., Histoire, Paris, Les Éditions de
Minuit, 1967. - Allemand R.-M., Le Nouveau Roman, Ellipses
Édition Marketing S.A., 1996. - Bergez D., Géraud V. et Robrieux J.-J.,
Vocabulaire de lanalyse littéraire, Armand
Colin, 2005. - Jouve V., La Poétique du roman, Armand Colin/
VUEF, 2001. - Stalloni Y., Dictionnaire du roman, Armand Colin,
2006.