Title: Enseigner, c
1Enseigner, cest décider
Philippe MeirieuIUFM de lAcadémie de Lyon
2-  Faire la classe suppose que lon entre dans
un espace structuré dont les principes de
fonctionnement sont définis, acceptés et mis en
œuvre - Il fut, peut-être, possible, jadis, de  faire la
classe sans avoir, chaque jour, à  refaire
lEcole - Le  déclin des institutions impose
aujourdhui, bien souvent, de  (re)faire
 lEcole pour pouvoir  faire la classe au
risque, sinon, dexclure ceux et celles qui nont
pas intégré les codes culturels de linstitution
scolaire.
3Décider suppose de sappuyer sur des principes,
davoir des grilles de lecture de ce qui se passe
et de disposer de repères
- 1) Quels principes pour linstitution scolaire ?
- 2) Quels paradoxes constitutifs pour penser le
métier denseignant ? - 3) Quels repères pour la gestion des
apprentissages ?
4Première partie
- QUELQUES PRINCIPES FONDATEURS DE LINSTITUTION
SCOLAIRE
5Principe n 1 LÉcole nest pas seulement un
service, cest aussi une institution.
La qualité dun service se mesure à la
satisfaction des usagers.
La qualité dune institution se mesure à sa
capacité à faire vivre des valeurs.
Un service est fondé sur la juxtaposition (ou la
concurrence) des  intérêts individuels .
Une institution est fondée sur la définition
possible et la mise en Å“uvre dun bien commun.
6Principe n 2Â Les principes fondateurs de
lEcole sont à rechercher dans ce qui rend
possible lorganisation du  pacte social .
 Chacun, en saliénant à tous reste aussi libre
quauparavant. Jean-Jacques Rousseau
7Pour quil y ait  pacte social , lEcole doit
incarner
- Les interdits anthropologiques fondateurs
- interdit de linceste,
- interdit de la violence,
- interdit de nuire (ne pas mettre en péril les
individus et le monde commun). - Lexigence politique essentielle la
construction du  bien commun . - Le projet pédagogique permettre à chacun de
 penser par soi-même . - Les objectifs didactiques disposer des
connaissances pour  penser le monde et  se
penser dans le monde .
8Principe n 3 Pour rendre possible lémergence
de la société, lÉcole doit suspendre la violence
et la séduction pour placer lexigence de
justesse, de précision et de vérité au cœur de
son fonctionnement.
9A cet égard, une école se caractérise par le fait
quelle est un  espace publicÂ
Elle nest pas fondée sur lemprise identitaire
mais sur la possibilité dun vivre ensemble.
mais leur permet de les réinscrire dans la
perspective dune réciprocité et dune
universalité possible.
Elle nimpose pas aux individus de renoncer Ã
leurs convictions personnelles...
10Principe n 4 Pour faire exister un espace
public dévolu à la formation du citoyen, lÉcole
doit suspendre les contraintes de la production
et considérer quil est toujours plus important
de  comprendre que de  réussir .
Célestin Freinet fut, dans toute son œuvre,
travaillé par cette question...
11 Réussir et  comprendreÂ
- Réussir, cest chercher à résoudre un problème
à léconomie , en faisant appel à des
compétences préexistantes ou à des personnes déjÃ
compétentes.
- Comprendre, cest prendre le temps d ouvrir la
boite noire , de repérer les obstacles et
dintégrer les mécanismes. Comprendre, cest
apprendre pour transférer.
Jean Piaget
12Principe n 5 LÉcole doit être à elle-même son
propre recours.
LEcole - Ã chaque niveau - doit proposer un
recours possible en cas dobstacle ou de
difficulté - en matière dapprentissage, - en
matière daide méthodologique, - en matière de
ressources culturelles, - en matière
dorientation.
Johann Heinrich Pestalozzi 1746 -1827
13Principe n 6 LEcole contribue à délivrer ceux
qui la fréquentent de toutes les formes demprise
sur les esprits.
La lutte contre toute les formes demprise dans
lécole -(y compris lemprise de lécole
elle-même ) est une définition possible du
principe des Lumières aujourdhui Sapere aude
Ose penser par toi-même.Â
Emmanuel Kant
14Principe n 7 Dès lors quelle est portée par
un objectif duniversalité, lÉcole doit
conjuguer intégration, émancipation et promotion
de lhumanité dans lhomme.
15Au regard des finalités de lEcole, repenser  le
projet d enseignerÂ
FAIRE ADVENIR LÂ HUMANITE DANS LÂ HOMME
INSTITUER LÂ ECOLE
TRANSMETTRE
Projet politique Construire un espace public
dévolu à la recherche de la vérité
Projet culturel Assurer le lien entre les
générations
Projet philosophique Rendre chacun capable de
 penser par lui-mêmeÂ
16 Deuxième partie
QUELQUES TENSIONS FONDATRICES POUR LEXERCIDE DU
METIER
17Toute décision, aussi  anecdotique soit-elle
est porteuse denjeux pédagogiques
Lenseignant-expert est celui qui perçoit ces
enjeux.
Enjeux de l action - au niveau des
apprentissages, - au niveau du projet culturel, -
au niveau des modèles sociaux, - au niveau
éthique et politique.
Modèles théoriques
Aller-retour
Ajustements progressifs
Décisions concrètes
Action prise de décision
18Tension n1 Entre éducabilité et liberté, entre
toute-puissance de ladulte et impuissance du
maître, créer obstinément les meilleures
conditions possibles pour que lélève mobilise sa
liberté dapprendre.
19EDUCABILITE
LIBERTE
Une exigence fondatrice
Une principe à respecter
Danger ! Manipulation, volonté de briser la
résistance de l autre.
Danger ! Abstention éducative, résignation.
20Pour une pédagogie des conditions...
- Mettre en place tout ce qui est possible pour
enrichir lenvironnement, stimuler le désir
dapprendre et favoriser lassimilation.
- Reconnaître son  impouvoir sur la liberté de
lautre, seul moyen de lui permettre de se
mobiliser lui-même dans ses apprentissages.
21Tension n2 Entre transmission dun savoir figé
et libre découverte de ses propres connaissances,
entre obligation dapprendre et respect de
lintérêt de lélève, faire émerger les questions
et retrouver la genèse des connaissances
humaines.
22Tension n3 Entre formalisation encyclopédique
et soumission au désir dapprendre, entre primat
du programme et primat du projet, proposer des
situations-problèmes diversifiées.
23FORMALISATION
SIGNIFICATION
UNE EXIGENCE FONDATRICE QUI SPECIFIE LÂ ECOLE
UN PRINCIPE SANS LEQUEL LES ACTIVITES Â TOURNENT
A VIDEÂ
Danger ! Formalisation et perte de sens
Danger ! Marginalisation des apprentissages
24Une pédagogie des situations-problèmes...
- définit des objectifs à atteindre,
- repère des tâches susceptibles de permettre de
rencontrer des objectifs-obstacles, - suggère des stratégies,
- met à disposition des ressources...
- crée des conditions permettant au sujet de
prendre le risque de faire quelque chose quon
ne sait pas faire pour apprendre à le faire.
25Tension n4 Entre appui sur ce que lélève sait
faire et rupture avec le donné, entre utilisation
du  déjà -là  et découverte dautres univers,
ménager des ouvertures et élargir le champ des
possibles.
26Tension n5 Entre obéissance à un ordre figé et
pratique de la démocratie à lÉcole, entre
respect scrupuleux de lordre scolaire et
autogestion pédagogique, former progressivement
et systématiquement à la conscience citoyenne.
27Former des citoyens...
- Cest mettre en place des situations où puisse
seffectuer, dans des domaines précis et adaptés,
lexpérience que  lobéissance à la loi quon
sest soi-même prescrite est liberté (Rousseau).
- Ce nest
- - ni supposer cette formation déjà faite (au
risque de générer des retours en arrière), - - ni supposer que cette formation seffectuera
miraculeusement.
28Tension n 6Â Entre cadre contraignant et
développement de lautonomie, entre
accompagnement rigoureux et émancipation
nécessaire, articuler, sur chaque objectif,
étayage et désétayage.
29Tension n7 Entre la solitude devant les élèves
et la participation au projet détablissement,
entre le face à face avec la classe et le travail
déquipe, inventer des formes individuelles
dintelligence collective.
30Troisième partie
- QUELQUES REPERES POUR GERER LA CLASSE AU
QUOTIDIEN
31Repère n1 Afin de permettre à chacun
dapprendre, la classe est organisée comme un
 espace hors menace .
On ne peut apprendre que si sont suspendues -
les menaces de lhumiliation, - les menaces de
lidentification de la personne et de ses
actes. - les menaces de laspiration par la
production.
32Repère n2 Dans la classe, les temps et les
lieux sont spécifiés et correspondent, à la fois,
à des activités à mettre en œuvre et à des
comportements attendus clairement identifiés.
Pour cela, lorganisation des temps et des lieux
fait lobjet de rituels qui permettent de faire
émerger les postures mentales exigées des élèves.
33Repère n3 Le travail, dans la classe,
seffectue sur des objets. Un objet est  objet
de savoir dans la mesure où il résiste à la
toute-puissance de limaginaire, se constitue
comme une réalité extérieure au sujet et lui
permet de sexprimer  à son propos .
34Repère n4 La présence et larbitrage des
objets permettent de dépsychologiser la relation
pédagogique ils lestent les conflits dopinions
et confèrent à la parole du maître sa véritable
autorité. La classe est un lieu où la vérité
dune parole nest pas relative au statut de
celui qui lénonce.
35Repère n5 La tâche à réaliser permet de mettre
lélève en projet. Elle doit être comprise et
utilisée en tant que telle. La tâche nest pas,
en elle-même, lobjectif à atteindre. Cest
lobjectif qui doit être évalué à travers la
tâche. Le réinvestissement dans une nouvelle
tâche permet, à la fois, de mobiliser lélève et
de vérifier une acquisition.
36Repère n6 La classe, dans lensemble de ses
activités, est apprentissage de la démocratie.
Elle doit permettre, aux élèves dapprendre à se
construire comme un collectif, didentifier les
objets sur lesquels ils peuvent légiférer
légitimement, de définir les règles incarnant le
bien commun et de les appliquer dans la durée.
37Repère n7 Les sanctions contribuent non Ã
exclure de la classe mais à y intégrer elles
reconnaissent à lélève la responsabilité de ses
actes et, en même temps, lui permettent de
revenir dans le collectif dont il sest lui-même
exclu.
38Conclusion provisoire...
- La réflexion pédagogique est plus que jamais
dactualité - Plus que jamais le choix est entre la pédagogie
et lexclusion.