Title: POPULATION ET SUBSISTANCES AU XVIIIe SIECLE
1POPULATION ET SUBSISTANCES AU XVIIIe SIECLE
2PLAN
- I. Position du problème le rapport
population-subsistances - II. Les définitions de l'économie politique et
lédition économique au XVIIIe siècle - II. 1. Quest-ce que léconomie politique ?
- II. 2. Le contenu empirique de léconomie
politique - III. Cantillon et son oeuvre
- III. 1. La vie
- III. 2. La théorie économique
- III. 3. Les idées sur la population
- IV. La querelle du Luxe
- V. Quesnay et les physiocrates
- V. 1. Vie de Quesnay
- V. 2. Les adeptes
- V. 3. Les thèses économiques
- V. 4. Les thèses sur la population
- VI. L'alimentation et la santé dans la seconde
moitié du siècle - VI. 1. Moheau
- VI. 2. Les deux maux du siècle les diètes
forcées et les excès de nourriture - VI. 3. La nourriture viciée et les mauvais
régimes
3Définitions de léconomie politique
- On peut fort à propos maintenir , soutient-il,
contre l'opinion d'Aristote et de Xénophon, que
l'on ne saurait diviser l'conomie de la police
sans démembrer la partie principale de son tout,
et que la science d'acquérir des biens ... est
commune aux républiques aussi bien qu'aux
familles... . - la science d'acquérir des biens ...dans les
républiques , selon J.-M. Dutens, consiste en la
connaissance des lois, d'après lesquelles, les
richesses se forment, se distribuent,
s'accroissent ou déclinent chez les nations . - On a longtemps confondu la Politique proprement
dite, la science de l'organisation des sociétés,
avec l'Économie politique, qui enseigne comment
se forment, se distribuent et se consomment les
richesses qui satisfont aux besoins des
sociétés . - Les définitions de léconomie politique renvoient
à quatre notions principales - 1. notion de besoin et de bien-être
- 2. notion de richesse
- 3. notion de progrès social
- 4. notion de valeur et déchanges.
4Champs sémantiques pour lEP
- Les formules les plus courantes peuvent être
réparties entre quatre grandes familles. - La première rassemble toutes les expressions
crées à partir du terme Économie et de ses
dérivés, dont, en particulier, Économique pris
comme un substantif, employé tantôt au pluriel
tantôt au singulier. L'adjonction d'un adjectif
autre que politique, tel que sociale, publique,
nationale, civile, séduit moins les écrivains
français que leurs confrères étrangers. - Le second groupe repose sur la substitution de
Commerce au mot Économie. Elle est en vogue
surtout dans la première moitié du XVIIIe siècle.
L'usage de Commerce pour désigner l'ensemble des
activités économiques et non simplement l'échange
des marchandises, a longtemps été une source de
confusion. En principe, la proximité du
qualificatif "politique" ou de l'expression "en
général" signale l'acception large du terme. - Dans la troisième famille, le mot Richesse,
employé au singulier et au pluriel, peut
également être préféré à Économie, et son emploi
était répandu avant qu'Adam Smith n'y recourt à
son tour. - La quatrième famille de dénominations est
constituée d'expressions élaborées autour du
double prédicat "morale et politique".
5MONTCHRETIEN
- Le Traité de Montchrétien comprend quatre livres
- De l'utilité des arts mécaniques et règlement
de manufactures - Du commerce
- De la navigation
- De l'exemple et des soins principaux du
Prince .
6LEssai de Melon
- 1. Principes
- 2. Du Blé
- 3. De l'augmentation des habitants
- 4. Des Colonies
- 5. De l'Esclavage
- 6. Des Compagnies exclusives
- 7. Du Gouvernement militaire
- 8. De l'Industrie
- 9. Du Luxe
- 10. De l'Exportation et de l'Importation
- 11. De la Liberté du Commerce
- 12. Des Valeurs numéraires
- 13. De la proportion dans les Monnaies
- 14. De la sédition contre Philippe le Bel
- 15. Des Monnaies de Saint-Louis et Charles VII
- 16. Des Diminutions
- 17. De la Cherté des Denrées
- 18. Réponses aux objections
- 19. Diverses observations sur les Monnaies
- 20. Du Change
- 21. De l'Agio
- 22. De la balance du Commerce
- 23. Du crédit public
- 24. De l'Arithmétique politique
- 25. Des Systèmes
- 26. Conclusion
7Morellet Catalogue d'une Bibliothèque
dÉconomie politique
- - Histoire et état du Commerce. Histoire ancienne
et générale. - - Histoire et état du Commerce de France.
- - Histoire et état du Commerce de l'Angleterre.
- - Histoire et état du Commerce des Pays-Bas, de
la Hollande, du Danemark, d'Espagne, d'Italie,
etc. - - Histoire et état du Commerce de l'Asie,
l'Amérique, etc. - - Dictionnaires de Commerce, Journaux, Ouvrages
périodiques. - - Traités généraux et Mélanges de Politique, dans
lesquels sont agitées quelques questions
d'Economie politique. - - Traités généraux et Mélanges d'Economie
politique. - - Du Commerce en général. Traités et Mélanges
- - Agriculture en général. Fermes, Clôtures.
- - Commerce des grains.
- - Diverses productions de la Culture, Vins, Bois,
Bestiaux. - - Mines et Minéraux.
- - Pêche, Poisson, Sel, Etc.
- - Produit des Manufactures, Toiles, Draps,
Soieries, Etc. - - Police et Administration du Commerce. Statuts
et Réglemens. Compagnies. Corporations.
Privilèges, tant en général qu'en particulier. - - Prohibitions et droits. Contrebande, Fraude.
- - Jurisprudence commerçante générale. Loix et
Ordonnances, Etc. Jurisdictions Consulaires, Etc.
Dettes, Banqueroutes, Etc. - - Roulage, Chemins, Postes, Etc.
8Cantillon un modèle de fonctionnement
- LEssai est formé de trois livres. Cantillon y
décrit le fonctionnement général de léconomie.
Pour cela, il construit un modèle qui peu à peu
devient de plus en plus complexe - Le point de départ de ce modèle est le
propriétaire dune grande terre, envisagée comme
sil y en avait aucune autre au monde, puis on
passe à une économie de marché, autrement dit il
y a plusieurs propriétaires et des échanges entre
eux. Ensuite on introduit le système monétaire,
et enfin le commerce extérieur.
9CANTILLON (2)
- la valeur réelle de toutes les choses à lusage
des hommes écrit-il, est leur proportion à la
quantité de terre employée pour leur production
et pour lentretien de ceux qui leur ont donné la
forme - Toutes les denrées de lEtat sortent,
directement ou indirectement, des mains des
fermiers, aussi bien que tous les matériaux dont
on fait de la marchandise ... Il faut donc
considérer les trois rentes du fermier, comme les
principales sources, ou pour ainsi dire le
premier mobile de la circulation dans lEtat - le plus grand nombre des hommes ne demande pas
mieux quà se marier, si on les met en état
dentretenir leurs familles de la même manière
quils se contentent de vivre eux-mêmes
10Cantillon nuptialité
- Lorsque jai dit que les propriétaires de
terres pourraient multiplier les habitants à
proportion du nombre que ces terres pourraient en
entretenir, jai supposé que le plus grand nombre
des hommes ne demande pas mieux quà se marier,
si on les met en état dentretenir leurs familles
de la même manière quils se contentent de vivre
eux-mêmes cest-à-dire, que si un homme se
contente du produit dun arpent et demi de terre,
il se mariera, pourvu quil soit sûr davoir de
quoi entretenir sa famille à peu près de la même
façon que sil ne se contente que du produit de
cinq à dix arpents, il ne sempressera pas de se
marier, à moins quil ne croie pouvoir faire
subsister sa famille à peu près de même. - Les enfants de la noblesse en Europe sont élevés
dans laffluence et comme on donne
ordinairement la plus grande partie du bien aux
aînés, les cadets ne sempressent guère de se
marier ils vivent pour la plupart garçons, soit
dans les armées, soit dans les cloîtres, mais
rarement en trouvera-t-on qui ne soient prêts à
se marier, si on leur offre des héritières et des
fortunes, cest-à-dire le moyen dentretenir une
famille sur le pied de vivre quils ont en vue et
sans lequel ils croiraient rendre leurs enfants
malheureux. - Il se trouve aussi dans les classes inférieures
de lÉtat plusieurs hommes, qui, par orgueil et
par des raisons semblables à celles de la
noblesse, aiment mieux vivre dans le célibat, et
dépenser sur eux-mêmes le peu de bien quils ont,
que de se mettre en ménage. Mais la plupart sy
mettraient volontiers, sils pouvaient compter
sur un entretien pour leur famille tel quils le
voudraient ils croiraient faire tort à leurs
enfants, sils en élevaient pour les voir tomber
dans une classe inférieure à la leur. Il ny a
quun très petit nombre dhabitants dans un Etat,
qui évitent le mariage par pur esprit de
libertinage.
11Cantillon (4)
- La terre est la source ou la matière doù lon
tire la richesse le travail de lhomme est la
forme qui la produit et la richesse en
elle-même nest autre chose que la nourriture,
les commodités et les agréments de la vie . - les hommes se multiplient comme des souris dans
une grange, sils ont le moyen de subsister sans
limitation
12Cantillon population de la Chine
- Il ny a point de pays où lon porte la
multiplication des hommes si loin quà la Chine.
Les pauvres gens y vivent uniquement de riz et
deau de riz ils y travaillent presque nus, et
dans les provinces méridionales ils font trois
moissons abondantes de riz, chaque année, par le
grand soin quils ont de lagriculture. La terre
ne sy repose jamais, et rend chaque fois, plus
de cent pour un ceux qui sont habillés, le sont
pour la plupart de coton, qui demande si peu de
terre pour sa production, quun arpent en peut
vraisemblablement produire de quoi habiller cinq
cents personnes adultes. Ils se marient tous par
religion, et élèvent autant denfants quils en
peuvent faire subsister. ... Leur nombre est
incroyable, suivant les relations, et cependant
ils sont forcés de faire mourir plusieurs de
leurs enfants dès le berceau, lorsquils ne se
voient pas le moyen de les élever, nen gardant
que le nombre quils peuvent nourrir. Par un
travail rude et obstiné, ils tirent, des
rivières, une quantité extraordinaire de
poissons, et de la terre, tout ce quon en peut
tirer. - Néanmoins lorsquil survient des années stériles,
ils meurent de faim par milliers, malgré le soin
de lEmpereur, qui fait des amas de riz pour de
pareils cas. Ainsi tout nombreux que sont les
habitants de la Chine, ils se proportionnent
nécessairement aux moyens quils ont de
subsister, et ne passent pas le nombre que le
pays peut entretenir, suivant la façon de vivre
dont ils se contentent et sur ce pied, un seul
arpent de terre suffit pour en entretenir
plusieurs.
13Arguments condamnant le luxe
- certains auteurs sopposent surtout à la
consommation de produits fabriqués à létranger
ils pensent quil en résulte une exportation de
monnaie et surtout une diminution de loffre
demploi dans le pays, ce qui a pour conséquence
de réduire la population. - dautres, ne distinguant pas toujours bien la
cause et les effets, attribuent au luxe les
inégalités sociales et économiques,
lexploitation dune grande partie de la
population et la misère du plus grand nombre au
profit de quelques-uns. Or, la misère est une des
causes directes de la faible croissance
démographique. - on condamne également les consommations de
biens superflus car elles pourraient être
défavorables à laccroissement de la demande de
produits agricoles, voire nuire dans certains
cas, à la production de subsistances.
14Pluquet contre le luxe
- lorsque le luxe domine dans une nation, elle ne
peut nourrir un aussi grand nombre de citoyens
que si elle était sans luxe. Le luxe détruit dans
les citoyens tous les motifs qui les portent à
devenir pères de nombreuse famille. - Une société peut nourrir et entretenir un plus
grand nombre de citoyens, selon quelle tire de
son territoire une plus grande quantité de
productions propres à la subsistance de lhomme,
selon quelle emploie moins de ses productions à
la nourriture et à lentretien de chaque citoyen
et quelle les met tous dans un état propre à
conserver la vie et la santé ... Lorsque le
luxe domine dans un Etat, le gouvernement ne
procure point aux citoyens des moyens de
conserver leur vie. Dun autre côté, il emploie
en superfluités qui ne procurent que des
sensations agréables aux riches, une étendue de
terre qui pourrait nourrir une grande quantité
dhommes le luxe est donc fatal à la population
par le mauvais emploi quil fait de la terre et
de ses productions et par la misère à laquelle il
réduit la plus grande partie des citoyens.
15Cantillon sur le luxe
- Si on ne trouvait pas assez demploi pour
occuper les vingt-cinq personnes, en cent, à des
choses utiles et avantageuses à lÉtat, je ne
trouverais pas dinconvénient quon y encourageât
le travail qui ne sert quà lornement ou à
lamusement. LÉtat nest pas moins censé riche,
par mille babioles qui regardent lajustement des
dames, et même des hommes, et qui servent aux
jeux et aux divertissements quon y voit, que par
les ouvrages qui sont utiles, et commodes.
Diogène, au siège de Corinthe, se mit, dit-on, à
rouler son tonneau, afin de ne pas paraître
oisif, pendant que tout le monde était occupé
et nous avons aujourdhui des sociétés entières,
tant dhommes que de femmes, qui soccupent de
travaux et dexercices aussi inutiles à lÉtat,
que celui de Diogène. Pour peu que le travail
dun homme apporte dornement ou même damusement
dans un État, il vaut la peine dêtre encouragé
à moins que cet homme ne trouve moyen de
semployer utilement.
16Saint-Lambert défense du luxe
- Le luxe est défini comme lusage quon fait des
richesses et de lindustrie pour se procurer une
existence agréable . Pour le justifier face à
ses détracteurs, Saint-Lambert montre quil - favorise lusage des ressources nationales
plutôt que les richesses importées les passions
qui poussent les hommes à consommer des biens
dagréments et superflus sont subordonnées à
lesprit social. Ainsi le luxe stimule les
industries et les arts, ce qui donne au peuple
de nouveaux moyens de subsistances et par
conséquent ce qui augmente la population. - Que lexistence du luxe et dune classe riche
fait que les hommes trouvent des emplois et se
multiplient.
17Saint-Lambert le luxe accessible à chacun
- Avec un commerce aussi étendu, une industrie
aussi universelle, une multitude darts
perfectionnés, nespérez pas aujourdhui ramener
lEurope à lancienne simplicité ce serait la
ramener à la faiblesse et à la barbarie. Je
prouverai dailleurs combien le luxe ajoute au
bonheur de lhumanité je me flatte quil résulte
de cet article que le luxe contribue à la
grandeur et à la force des états et quil faut
lencourager, léclairer et le diriger .
18Les physiocrates
- Les plus éminents sont
- Henry Patullo, un agronome écossais
- Le Mercier de La Rivière
- labbé Baudeau
- Le Trosne.
- En 1763, lécole avait recruté un jeune talent
prometteur Pierre-Samuel Dupont de Nemours qui
sera le premier historien de la physiocratie. - Quant à Turgot, le futur ministre, il est proche
du groupe, notamment de Dupont, mais na jamais
partagé toutes les thèses soutenues par Quesnay.
19Quesnay supériorité de la grande culture
- ces pauvres cultivateurs, si peu utiles à
létat, ne représentent point le vrai laboureur,
le riche fermier qui cultive en grand, qui
gouverne, qui commande, qui multiplie les
dépenses pour augmenter les profits, qui, ne
négligeant aucun moyen, aucun avantage
particulier, fait le bien général qui emploie
utilement les habitants de la campagne, qui peut
choisir et attendre les temps favorables pour le
débit des grains, pour lachat et la vente de ses
bestiaux . - Le faible nombre de riches fermiers, existant
dans le royaume, selon Quesnay, est le signe de
létat déplorable de lagriculture au milieu du
XVIIIe siècle. Trois causes en sont à lorigine - 1. les enfants des laboureurs, faute de trouver
un emploi à la campagne, migrent vers les villes
et y apportent des capitaux qui auraient dû
servir à la culture des terres - 2. le système arbitraire des impositions, qui
rend notamment incertains les investissements
nécessaires - 3. enfin, toutes les entraves qui gênent le
commerce des grains.
203 principes de lécole physiocratique
- 1. Lagriculture produit deux sortes de
richesses savoir, le produit annuel des revenus
des propriétaires et la restitution des frais de
la culture . Lagriculture est donc la seule
activité productive, la seule qui dégage ce que
Quesnay appelle un produit net , cest-à-dire
un rendement net supérieur au coût des dépenses
dexploitation. - 2. Lindustrie et le commerce sont stériles dans
la mesure où il sagit dactivités qui
nentraînent pas un accroissement de
richesses . Lartisan consomme autant de
richesses quil en dépense dans sa production,
donc il ne crée pas de richesses. - 3. Quesnay insiste sur la nécessité du bon prix
des grains, prix qui doit être suffisamment élevé
pour que le fermier rentre dans ses frais la
non-valeur avec labondance nest point richesse.
La cherté avec pénurie est misère. Labondance
avec cherté est opulence . Laugmentation du
prix du pain est limitée et surtout compensée par
laugmentation des salaires.
21Quesnay population et puissance de lÉtat
- Ce sont les hommes qui constituent la puissance
des États ce sont leurs besoins qui multiplient
les richesses plus les nations augmentent les
productions dont elles ont besoin, et plus elles
en consomment, plus elles sont riches. Sans la
jouissance et la consommation, les productions
seraient des biens inutiles. ... Cest donc de
lemploi des hommes et de laccroissement de la
population que dépendent lentretien et
laugmentation des richesses renaissantes et
successives des nations. Létat de la population
et de lemploi des hommes sont donc les
principaux objets du gouvernement économique
- La population augmente dans un État, à proportion
que les revenus de la nation saccroissent
parce que les revenus procurent une aisance et
des gains qui conservent et qui attirent les
hommes, mais cest par le bon emploi des hommes,
conformément aux dispositions avantageuses du
pays, que la nation peut accroître ses revenus.
- Ce sont les richesses qui soutiennent aujourdhui
la force des royaumes, et ce sont les hommes qui
produisent les richesses - Cest en effet dans les revenus, et non dans la
masse pécuniaire, que réside la puissance des
États.
22La croissance démographique nest pas une cause
- Laccroissement de la population dépend
entièrement de laccroissement des richesses, de
lemploi des hommes et de lemploi des richesses.
Les hommes se rassemblent et se multiplient
partout où ils peuvent acquérir des richesses,
vivre dans laisance, posséder sûrement et en
propriété les richesses que leurs travaux et leur
industrie peuvent leur procurer. ... Il faut
donc des richesses davance pour se procurer
successivement dautres richesses pour subsister
et parvenir à vivre dans une aisance qui favorise
la propagation. - Les richesses et les populations ne se
soutiennent que par laisance que procurent les
richesses. Les hommes ne contribuent à la
prospérité de lEtat que par leurs productions et
par leur consommation. Il faut des richesses pour
produire des richesses - Cest donc par le progrès des richesses, quune
nation peut parvenir à de plus grands progrès de
richesses, de population et de puissance, cest
donc en vain quelle tendrait à multiplier les
hommes sans sattacher préalablement à multiplier
les richesses - La petite culture qui se fait avec des bufs, par
défaut de richesses, occupe beaucoup dhommes, et
profite beaucoup moins que la grande culture, qui
sexécute avec des chevaux. ... cependant celle
qui occupe moins dhommes procure une plus grande
population, parce quelle produit des revenus et
de la subsistance pour une plus grande quantité
dhommes.
23Quesnay les obstacles à la population
- 1. les obstacles ultimes toutes les conditions
défavorables à lagriculture et à laugmentation
du produit net. Il sagit essentiellement des
impôts, arbitraires et inégalement répartis, des
entraves à la liberté du commerce des grains. - 2. les obstacles intermédiaires conséquences
des conditions défavorables à lagriculture par
exemple lurbanisation trop poussée ou les
consommations de luxe. Pour Quesnay, le
développement des villes est nuisible à la
population non seulement parce quil détourne les
hommes et les capitaux du monde rural, mais parce
quil donne aux hommes le goût des consommations
superflues qui va à lencontre du mariage et de
la procréation. - 3. les obstacles nuancés des facteurs
favorables à lémigration et défavorables à
limmigration. Quesnay évoque surtout les
persécutions religieuses et lintolérance. - 4. les obstacles immédiats tout facteur
favorable à la mortalité et tout facteur
défavorable à la natalité. Quesnay note que la
misère et la mauvaise alimentation augmentent la
mortalité générale et la mortalité infantile dans
le monde rural et dans les classes pauvres. Le
libertinage diminue le nombre des mariages. Il
évoque également la limitation volontaire des
naissances.
24Quesnay effets néfastes de la pression
démographique
- Dans le plus haut degré de prospérité en hommes
et en abondance de productions, où une nation
puisse parvenir, les hommes sont plus profitables
à lÉtat par leur richesse que par leur nombre
car lorsque les richesses dominent, les hommes
sont dans laisance et leur consommation,
proportionnée à leur aisance, entretient
labondance des richesses et la puissance de
lÉtat. Mais si les hommes étaient surabondants,
relativement à la plus grande abondance des
richesses annuelles quils puissent tirer des
biens-fonds et du commerce extérieur, cette
surabondance dhommes ne pourrait plus contribuer
à laccroissement des richesses, elle ne pourrait
contribuer par sa consommation, quà augmenter le
prix des denrées mais cette augmentation de
prix naugmenterait point le fonds des richesses,
et les besoins, multipliés à raison de
labondance des hommes, diminueraient laisance
des uns et des autres et si cette surabondance
était excessive, elle réduirait leur consommation
au nécessaire rigoureux. Ainsi la nation serait
pauvre dans cet état de prospérité chaque homme
pourrait peu retrancher de sa consommation pour
contribuer aux dépenses nécessaires pour le
gouvernement et pour la défense de lÉtat ...
25Messance morbidité et prix du blé
- les années où le blé a été le plus cher ont été
en même temps celles où la mortalité a été la
plus grande et les maladies plus communes, et que
celles au contraire où le blé a été à meilleur
marché ont été les plus saines et les moins
mortelles. - Dans les années de cherté, les maladies sont
bien plus dangereuses, et il est impossible que
les maladies du peuple ne se communiquent aux
bourgeois, aux gens aisés, et par gradation aux
gens riches.
26La mauvaise nourriture
- Le grain ergoté donne lieu à des fièvres
malignes, des engourdissements, et souvent à la
gangrène qui cause quelquefois la chute des
membres - Il n'est que trop ordinaire que l'on débite
dans Paris des veaux mort-nés, des bufs ou des
vaches très malades, et des moutons attaqués du
claveau. On doit penser que pareilles viandes
doivent causer un grand nombre de maladies, et
même donner la mort . - Il doit être défendu, sous les menaces des
peines les plus grièves sic, d'exposer en vente
la viande de ceux qui auraient eu la plus légère
atteinte de la maladie régnante de plus, on
doit obliger les particuliers auxquels ils
appartiennent à les tuer dès la première invasion
du mal, et à les enterrer assez profondément avec
leur cuir
27L.-S. Mercier et la fraude
- Le regrat est encore ce qui tue la partie
indigente des habitants de la capitale. Cette
malheureuses portion achète les denrées beaucoup
plus cher, et na que le rebut des autres
citoyens. ... - Le sel, par exemple, que lon vend par regrat au
peuple treize sous la livre, est non seulement
falsifié dans son origine, mais de plus rempli de
mille ordures qui en composent près de la moitié.
La ferme oblige, pour ainsi dire, ces regrattiers
à empoisonner les malheureux consommateurs en
leur vendant à eux-mêmes ce sel treize sous ils
nont dautre expédient que de le gâter pour y
trouver leur compte ils y versent de leau, ils
y mêlent du sable et des ordures. Un abus aussi
intolérable est public. - La ferme est donc coupable dempoisonner car ce
sel analysé offre des matières étrangères, et
cette falsification dangereuse est luvre de la
cupidité financière. ... - Le vin que lon vend dans les cabarets en détail
est de même falsifié. ... Il nest
malheureusement que trop aisé de falsifier des
boissons telles que le vin, le cidre,
leau-de-vie. Le marchand, enfermé dans son
cellier, compose secrètement ces mixions, y coule
la litharge, ou par avarice, ou par ignorance. - Enfin, les farines gâtées ont été distribuées
quelquefois de force aux boulangers des
faubourgs, parce que ladministration, qui avait
fait magasin de farines, quand elles furent
endommagées par plusieurs accidents, ne voulut
pas perdre ses avances et força le peuple à
manger ce blé pourri.
28Moheau le riz à la place du blé
- Il serait à désirer que les Arts soccupassent
des moyens de multiplier les denrées nationales
et de les remplacer quils nous apprissent
aussi quelle est la quantité proportionnelle de
matière nutritive que contient chaque espèce de
denrées. Il est dans lÉtat un grand nombre
dhommes dont la nourriture est à sa charge
cependant, on ignore encore quelle est la
quantité daliments nécessaire pour chaque homme,
pour chaque âge, pour chaque espèce de travail,
dans telle ou telle espèce de climat ... il
nous manque surtout une échelle de graduation des
qualités nutritives de chaque espèce daliment.
On sait en général quune livre de pain de
froment sustente plus quune livre de pain de
seigle, celle-ci plus quune livre de pain
dorge, mais la proportion nest pas connue. On a
fait lanalyse de plusieurs espèces de viandes,
mais les expériences ne sont ni assez nombreuses
ni assez authentiques dailleurs, elles font
connaître les parties intégrantes de chaque
espèce de viande, mais non le degré de leur
qualité nutritive. - Une question plus intéressante encore est la
salubrité de chaque espèce daliment. Nous nous
écarterions de notre sujet si nous entrions dans
des détails, mais nous diviserons toute
lhumanité française, relativement à la
nourriture, en deux classes lune composée
dune grande partie du peuple des campagnes,
quon peut considérer comme nétant que
frugivore, lautre, qui tient du frugivore et du
carnassier. Quel est, des deux régimes, le plus
sain ? Dans lun et dans lautre, on trouve des
vieillards dont lâge dépose en faveur du genre
de nourriture quils ont adopté, mais ces
exemples isolés ne prouvent que la bonne
constitution de quelques individus que na pas
détruit un régime peut-être mauvais. On doit se
déterminer par des raisons plus générales, et on
ne peut disconvenir que tout régime qui contrarie
le vu de la nature doit opérer une destruction
plus prompte or le peu de dents canines dont
nous sommes pourvus indique que nous devons tenir
de lespèce frugivore plus que de la
carnassière une preuve plus forte est la
conformation de notre estomac, qui nest pas
aussi musculeux que ceux qui sont destinés à la
digestion des parties animales.