Title: Quand les contacts de langues donnent les croles'''
1Quand les contacts de langues donnent les
créoles...
Marie-Christine Hazaël-Massieux, Professeur,
Université de Provence, marie-christine.hazael-ma
ssieux_at_univ-provence.fr
- A propos de la créolisation comme modèle ou
type de développement des langues
2Antilles
Océan Indien
3Les principaux créoles français dans le monde
(ZAC puis OI)
- Louisiane 4 000 000 habitants (mais peu de
créolophones) - Haïti 7 000 000 habitants
- Guadeloupe 422 496 habitants
- La Dominique 100 000 habitants
- Martinique 381 441 habitants
- Sainte-Lucie 150 000 habitants
- Guyane 157 277 habitants
- Réunion 707 758 habitants
- Maurice 1 100 000 habitants
- Seychelles 70 000 habitants
- Nouvelle-Calédonie tayo ???
4Introduction
- Les créoles ne constituent pas
- Une famille de langue
- Un type de langue
?ambiguïté du nom unique les langues dont
soccupent les créolistes ?
Toutefois dans un premier temps, toutes les
langues étudiées sous ce nom sont nées dans le
contact de langues diverses, après ruptures
importantes (déportation).
5Cest le cas des créoles historiques (cf.
ci-dessus)
? Occasion privilégiée à travers ces langues
détudier le rôle du contact de langues dans la
genèse et le développement dune langue.
Ces langues qui sappellent mauricien, haïtien,
papiamento, sranan... sont peut-être susceptibles
de nous aider à déterminer un modèle de
développement qui pourrait sappliquer à diverses
autres langues et ainsi expliquer des modes
évolutifs quon a ignorés.
Ingrédients de base contacts quotidiens et
nombreux, nécessité de communiquer, oralité,
peut-être domination dune langue sur lautre ou
les autres, ruptures sociales...
6Cela ne veut pas dire que toutes les langues sont
nées par créolisation le terme nest-il pas
dès lors impropre ? - mais peut-être de plus
nombreuses langues que celles auxquelles on pense
habituellement !
71 Limites des définitions des créoles
- Définition socio-historique qui laisse de côté
des langues pourtant nées dans des conditions
proches... et ou bien qui ressemblent, ou bien
qui sappellent créoles !
- A la recherche dune définition typologique ?
Mais diversité des créoles fait que de nombreuses
langues partagent très vite les mêmes traits
langlais, le chinois...
? Chercher donc plutôt à étudier un modèle de
développement à partir dun groupe de langues
les créoles de la Caraïbe ensuite voir sil
peut sappliquer à dautres ensembles
linguistiques en contact ?
8Etude systématique des textes anciens, du point
de vue linguistique (et historique), avec
précautions dusage. Plus de 80 textes compris
entre lextrême fin du XVIIe siècle et le tout
début du XXe siècle.
? Méthodes philologiques et linguistiques (cf.
importante variation qui présente difficulté mais
qui est aussi source de découvertes)
92 Approche critique des textes anciens
Noter quà lorigine ces langues ne sappellent
pas créoles
Nous avons vue que maintenant souvent non plus !
?Question fondamentale les textes anciens
sont-ils représentatifs du créole réellement
parlé ?
...
10Ces langues à lorigine ne sappellent pas
créoles
Exemple dun texte Moreau de Saint-Méry, 1797,
Description typographique, physique, civile,
politique et hist. de la partie française de
lIsle St-Domingue
Jai à parler maintenant du langage qui sert à
tous les nègres qui habitent la colonie française
de Saint-Domingue. Cest un français corrompu,
auquel on a mêlé plusieurs mots espagnols
francisés, et où les termes marins ont aussi
trouvé leur place. On concevra aisément que ce
langage, qui nest quun vrai jargon, est souvent
inintelligible dans la bouche dun vieil
Africain, et quon le parle dautant mieux, quon
la appris plus jeune. Ce jargon est extrêmement
mignard, et tel que linflexion fait la plus
grande partie de lexpression. Il a aussi son
génie, (quon passe ce mot à un Créol qui croit
ne le pas profaner), et un fait très sûr, cest
quun Européen, quelque habitude quil en ait,
quelque longue quait été sa résidence aux Isles,
nen possède jamais les finesses.
11- Certains textes sont anonymes On ne sait pas
toujours qui les a écrits et où on les a écrit.
Un ex. Idylles ou Essais de poésie créole par un
Colon de Saint-Domingue.
- La signature peut ne pas correspondre cf.
Leclerc ou Napoléon signant les Proclamations
révolutionnaires
- Pour les textes les plus anciens, ils ont été
vraisemblablement écrits par des blancs
(chroniqueurs, missionnaires, colons),
créolophones non natifs dans certains cas (savoir
écrire au XVIIe-XVIIIe siècle est déjà le signe
dune culture en français assez importante)
a-t-on du créole ou une imitation de créole ?
12- Question du genre littéraire parodie,
imitation, faire rire, transmission
dinformations mais à qui ? Évangélisation,
divertissement
- Lécrit nest jamais tout à fait de loral
fidèle, et si ces textes anciens sont fidèles
à quelque chose, on peut se demander sils ne
sont pas dabord fidèles à lécrit français
(règles de grammaire française projetées sur le
créole) ?
- La rigueur nest pas de mise dans lorthographe
aux XVIIIe et même au XIXe siècles (même en
France). Ainsi dans Idylles, on trouve vou et
nous . Cest aussi une chance !
? Quelques exemples
13Cette absence de rigueur orthographique livre des
traits de cette oralité créole on note des
scrupules phonétiques intéressants. Ex moins
(pour 1ère pers.) manifeste nasalisation que ne
manifeste pas moé moé est plus
significatif que moi (qui ne nous dit rien de
la prononciation)
- Autre exemple on peut constater par exemple
dans Idylles quil y a plusieurs formes attestées
pour faire , qui ne semblent pas conditionnées
par le contexte - Qui ça li té fair là (Id. 1)
- Dan cay-moi ça to té vini faire ! (Idylle 3)
- Tant sa to fai baï Mamsèl lembraye, Tan ça to
di fai quior-moi pré sauté (Idylle 3)
14Et même (Id. 4) Astore là to faire la dévote
! Ma foi, Boud-ié va ben souchié Si to vini sa
matelote ! Mai dabord que to fé la sote
? Cette variation graphique est-elle variation
dénuée de signification (embarras du scripteur ?)
ou pertinente pour révéler des faits phonétiques
et/ou grammaticaux ?
15Intérêt des apostrophes qui soulignent clairement
des élisions Ex. dans la Parabole de lenfant
Prodigue pouallé laút côté Li té bien
vlé mangé ça cochons la io taprès mangé
pauvdiab Ou dans Idylle 2 Quior moi batt
si fort
La chute de nombreuses consonnes finales est
intéressante, mais elle est irrégulière. On
trouve ainsi ver la soir , quan moi ,
également des élisions de é dans té devant
voyelle mo ta voudrai pouvoir quand nous
talé dan boi (qui se distingue de Si vou té
conné , Id. 2), mais on a moment ,
comment quand on a tout , faut-il ou non
prononcer le t ? Et dir comporte-t-il un
r prononcé ou non ? Pourquoi dabord ?
A propos de cette incertitude de genre, noter que
lon a aussi la jour dans Lisette (noté Là
jour dans Ducoeurjoly)
163 Principaux résultats de lanalyse
Le matériau de départ est largement français
sons et mots venus du français...
Ces éléments de substance ont perdu à peu
près toutes leurs caractéristiques grammaticales
(qui ne sont dès lors ni française, ni
africaine )
Un système se (re)constitue qui est créole ou
plus exactement progressivement haïtien,
martiniquais... il sagit dune reconstruction
lente de paradigmes, avec des règles
syntagmatiques et paradigmatiques.
Un exemple on conserve lari , lakaz ,
etc. mais la première syllabe perd toute valeur
grammaticale. Dans un 2e temps (XXe siècle ?)
elle tend à devenir préfixe dabstrait en
martiniquais on peut dès lors ajouter ce
la- devant certaines bases du martiniquais.
J. Bernabé oppose jistis et lajistis .
17Autre exemple -là du français (adverbe pour
renforcer dans le cadre dune communication orale
llivre-là), devient progressivement la marque
du déterminant défini (dans presque tous les
créoles français) un nouveau système se
structure. Ainsi en martiniquais, on a la / -a /
-lan / -an / -ya / yan...
Dans la période transitoire, avant
grammaticalisation, tout est possible (ou
presque) coexistent diverses formes, structures
pour dire la même chose variation
considérable ? vraiment libre ?
Cest vers le milieu du XIXe siècle que lon voit
se dessiner des choix (par zone, selon milieux
sociaux, etc.) des tendances au moins (que les
données statistiques révèlent).
?Le futur va , kalé , ké , kay ...
18Pour quapparaissent les systèmes grammaticaux
spécifiques et nouveaux, il fallait que gens de
couleur, esclaves libérés (cf. Abolition 1848),
vrais locuteurs (locuteurs dont cest la langue
véritable) prennent lécriture !
- ?Dates diverses
- Indépendance haïtienne 1804 effets se font
sentir vers 1820-1830 cf. Idylles, Parabole
du Fils prodigue ... - En Martinique vers 1840 cf. Marbot
- En Guadeloupe fin du siècle avec Baudot, ce
nest pas encore net. Beaucoup dindéterminations.
Distinctions caractéristiques vers 1910-20 - De ce fait, même maintenant séparation Guadeloupe
Martinique est moins nette
Les évolutions/séparations se poursuivent
maintenant ce sont des systèmes qui se séparent,
et non plus des choix entre variantes libres qui
sopèrent.
194 Un schéma à commenter
20Français
Langues africaines
1ère rupture du français au créole
1680-1750
Cr. parlé par les maîtres témoi-gnages écrits
Cr. parlés par les esclaves
Époque du créole
2e rupture du créole marqué par la
variation aux langues diverses
1820
Se dégagent paradigmes caractéristiques de chaque
nouvelle langue
hai
Forces qui sexercent sur le créole visible
(écrit) des colons les esclaves, libérés, les
mulâtres, les engagés libresarrivés dAfrique,
de lInde qui parlent un créole (différent du
créole des maîtres) se mettent à écrire ou à
influencer lécrit).
gua
mar
21Conclusions
- Intérêt de létude des créoles pour la
linguistique générale un schéma à vérifier sur
des ensembles de langues...
- Pour une nouvelle définition des langues
créoles est-ce que toutes les langues qui
émergent dans des situations de contacts, avec
rupture de transmission, ne sont pas pour un
temps des créoles ? La créolisation serait un
certain type de genèse pour les langues
peut-être pas réservée aux seuls langues appelées
créoles , mais pour autant à ne pas transposer
sur toutes les genèses.
- Tous les créoles historiques ne sont pas nés
dans les mêmes conditions peut-être pas tous
par créolisation !
22- Il est sans doute nécessaire de mieux
caractériser le temps de la genèse proprement
dite (cf. notions de pidgins, créoles), puis
lévolution continuée de toute langue
- Quelles sont les types de genèses des langues?
Sans doute de nombreux types en établir
linventaire.
- Il sagit bien sûr de modèles dont il faut
évaluer la fécondité.
? Urgence de travailler sur les langues
émergentes !!!
23Pour mécrire hazael_at_up.univ-mrs.fr Cours de
linguistique créole http//creoles.free.fr/Cours