Title: Influence de la presse sur la consommation de vin
1Influence de la presse sur la consommation de vin
- Hervé Lalau
- Secrétaire Général FIJEV
2Question piège!
- Si les journalistes du vin influençaient (à la
hausse) le volume de consommation de vin, ils
tomberaient sous le coup de la loi dans de
nombreux pays - en premier lieu le mien, la
France. - Donc, Messieurs les Jurés, Votre Honneur, Maître
Laflamme, la réponse politiquement correcte à
votre question est la suivante leur influence
est insignifiante!
3Mais qualitativement?
- Inciter le consommateur à consommer de meilleurs
vins na rien de répréhensible - Dans létude espagnole Vinealis (2006) sur les
choix de ses lecteurs internautes en matière de
vin - - 35 estiment que les opinions des critiques
déterminent leur choix - - 19 qu'elles l'influencent en partie.
- - 40 que les critiques ne les influencent pas du
tout... - Comme le public de Vinealis est constitué
damateurs de vin, on peut en déduire quils
attachent plutôt plus dimportance aux avis des
critiques que la moyenne. - Une autre étude réalisée en Grande-Bretagne par
Wine Intelligence révèle que seuls 29 de
consommateurs réguliers de vin déclarent être
influencés par les critiques.
4Miroir, miroir, suis-je le plus influent?
- La question préoccupe les plus narcissiques des
wine writers et surtout leurs medias, en quête
de légitimité - -Une liste de 50 influential writers a ainsi
été établie par Wine Intelligence où lon
retrouve Robert Parker, Jancis Robinson, Robert
Joseph, Oz Clarke, Joanna Simons, Hugh Johnson,
James Suckling. - Mais les votants étaient tous anglophones, ce
qui ne laissait guère de chance aux experts non
anglophones cest sans doute pourquoi je ny
suis pas (hum) - -Le marché des vins - et la presse du vin -
reste atomisé. Ce qui diminue linfluence de
chaque critique - - Dans quelle mesure une bonne critique de la
part dun chroniqueur dont on napprécie pas la
prose peut-elle être un repoussoir? Lhistoire ne
le dit pas -
5Référence ou influence?
- Jancis Robinson fait judicieusement remarquer que
la liste des wine writers les plus exposés
médiatiquement coïncide souvent avec celle des
most influential. Mais pas toujours. - Elle observe lucidement que les critiques ont
beaucoup moins dimportance quils ne le croient
généralement. - Les influents ne suscitent pas forcément lacte
dachat - référence nest pas influence, les
conseilleurs ne sont pas les payeurs - Leur influence varie
- - selon le type de vin (niveau de prix, besoin
de réassurance) - - le risque perçu de mal acheter (complexité
des AOC, millésimes) - - Le type de consommateur
6Mais qui sont ces consommateurs?
- En Europe, 30 à 40 des consommateurs de plus de
18 ans ne boivent pas de vin - 20 des consommateurs achètent 80 du volume - ce
qui nen fait pas forcément des oenophiles, loin
sen faut!
7Lexemple de la Belgique
- Pays non producteur ou presque, ouvert, 27 litres
de vin consommés per capita, en hausse - Un marché dappellations, assez traditionnel,
même si lon note une progression sensible des
vins de marques chiliens et australiens - La France reste le fournisseur n1 des vins
devant lItalie, les grands noms gardent un écho - Portrait robot du sur-consommateur (heavy
user) - Wallon, plus de 40 ans, boit surtout du rouge,
habite entre Bruxelles et Charleroi.
8Le voici, vous le connaissez tous
Excuse-moi Louis, je nai pas pu résister! Mais
cest évidemment faux. Louis fausse les chiffres
car sil a bien une consommation importante en
volume, elle est trop qualitative pour la moyenne
du Hainaut où il habite.
9Mais qui sont ces consommateurs? (2)
- Portrait type du consommateur averti
- -Mieux réparti sur les 3 régions du pays, boit du
blanc et du rouge - -Le vin nest pas sa boisson de référence à table
(cest la bière, leau et le café) - -Consomme surtout en fin de semaine et pour des
occasions - -Achète des vins de prix (pas moins de 5 euros,
en moyenne de 15 à 35 euros) - Portrait type du non-consommateur
- -Flamand, moins de 30 ans, surtout féminin
- Dans chaque pays, on retrouve grosso modo ces
distinctions (mais pas de Flamands, évidemment,
Louis)
10Il faut donc cibler la communication
- On ne peut donc parler à ces trois types de
consommateurs de la même façon - Paradoxalement, le sur-consommateur est le moins
intéressant - - Il change peu ses habitudes et achète du prix.
- - Cest la cible des prospectus des supermarchés
(la première référence à lachat pour le
consommateur britannique, par ex.) - Le consommateur averti a ses préférences
- -Il connaît ou croit connaître le vin, on ne
peut pas lui raconter dhistoires. Il veut
approfondir. Cest la cible des magazines
spécialisés. - Le non-consommateur peut devenir consommateur
- -Il ou elle est intimidé par le vin, on doit
léduquer tout en restant compréhensible,
abordable. Avec lui, il faut dédramatiser. Cest
la cible des pages vins des journaux, ou de
certains guides.
11En résumé
- Compte tenu de ces différences, on le voit,
notre influence est très aléatoire. En outre - Les journalistes vineux les plus pointus ne sont
pas forcément les plus influents la rubrique
accord vins mets de Cuisine Actuelle a plus de
lecteurs que le guide Bettane Desseauve - Certains consommateurs sont en quête de
références, dautres pas - Certains nouveaux médias prennent la place de la
presse vineuse traditionnelle, notamment les
blogs - De grands journaux ont stoppé leurs pages vin, ou
recourent à présent à des pigistes un problème
lié au marché publicitaire. Peu dinfluence
prouvée, moins dinvestissement, moins de pages. - Il faudrait distinguer selon létat de
développement du vin dans chaque pays. - Les guides dachat (qui ne sont pas
nécessairement loeuvre de journalistes) sont une
autre source dinformation importante
12Et les producteurs?
- Certains critiques, journalistes ou non, ont une
influence plus ou moins directe sur les
producteurs - Les dégustations en primeur ont été formatées
pour quune certaine presse puisse influencer le
marché - Les vins eux mêmes sont formatés pour plaire lors
de ces événements - Plus généralement, bon nombre de producteurs
adaptent certaines cuvées pour plaire aux
critiques, et indirectement, au marché la
parkérisation nest pas une légende
13Et les publireportages?
- Retour de linvestissement certains producteurs
utilisent les commentaires des critiques pour
leurs publicités. - Ce qui pose au moins trois questions
- - si ce sont des journalistes, ny a-t-il pas un
problème de déontologie? - - ont-ils approuvé cette utilisation?
- - sont-ils rétribués?
14Et la déontologie?
- En marge de la question posée, revenons sur
quelques thèmes dactualité, à savoir
lindépendance journalistique (et son laspect
logistique) - Doit-on accepter des échantillons de vins pour
les commenter? - Doit-on payer soi-même ses déplacements et
hébergements? - A titre personnel, je pense quil sagit de faux
problèmes, la vérité, en la matière, est dans
larticle. Lobjectivité ne se décrète pas. - Il est trop facile, du haut de sa popularité, et
à la tête dune petite entreprise prospère, de
jeter lanathème sur les jeunes pigistes auxquels
leurs journaux ne veulent même pas payer un
ticket de train. - La vraie indépendance, cest de savoir où
sarrêtent la politesse et le respect mutuel, et
où commence la collusion?
15En guise de profession de foi
- Une critique infaillible et indépendante, c'est
l'inaccessible étoile que chantait Brel. - C'est plus la diversité des opinions que nos
vaines tentatives personnelles d'atteindre
l'objectivité parfaite, qui peut aboutir à une
certaine objectivité. - Je me fais souvent violence, quand je déguste, en
me disant que je n'ai pas le droit de faire
passer mon goût personnel avant la reconnaissance
d'un travail bien fait. Pourtant, c'est sûr, j'ai
moins tendance à métendre sur les vins dont je
n'aime pas le style, même si je leur reconnais
des qualités. De même, il m'arrive sans doute
inconsciemment de privilégier le vin d'un
vigneron au discours sympathique que celui de son
collègue suffisant. - Il faut aussi tenir compte des modes, qui, qu'on
y adhère ou qu'on les refuse, nous influencent
quand même. Après la recherche de la structure,
voilà qu'on redemande de lélégance. On fuit
lalcool. Il n'y a pourtant aucune vérité révélée
en la matière,chaque vin se juge pour lui même. A
Ancone, récemment, j'ai été étonné de la
fraîcheur de certains Verdicchio à 14,5. Leur
enlever de l'alcool, cétait les déséquilibrer. - A contrario, des rieslings du Rheingau à 10
peuvent avoir une sacrée présence en bouche,
grâce à leur bonne acidité.
16En guise de profession de foi (2)
- Bref, je pense que je me me trompe parfois, mais
de bonne foi. Et comme tout le monde ne peut pas
se tromper en même temps, j'espère que trop de
bons produits ne passent pas au travers des
mailles du grand filet. - Si le vin est une affaire de goût, lavantage du
critique professionnel, cest quil peut former
son goût. Le domestiquer, aussi, lobjectiver.
Dépasser le simple jaime/jaime pas. Peser le
pour et le contre, en vrai journaliste. - Il reste cependant une part de subjectivité.
Heureusement. On ne demande pas aux critiques
automobiles d'expliquer pourquoi ils aiment la
ligne de telle auto et pas celle d'une autre, ou
pourquoi ils ont plus de plaisir de conduite avec
lune quavec lautre, au-delà des comparatifs de
vitesse, de puissance ou de volume habitable. - C'est un peu pareil pour le vin les degrés,
l'assemblage, la vinif, tous les paramètres
techniques peuvent être passés au crible.
N'empêche que tout ça n'explique pas les coups de
coeur. Or, notre plus grande fierté n'est-elle
pas de pouvoir faire passer nos coups de coeur
auprès du grand public?
17En conclusion
- Influencer nest pas lobjectif du journaliste!
- -Le journaliste informe
- -Le lecteur/spectateur en prend ce quil veut
- Et noubliez pas les bons journalistes sont à la
FIJEV!