Title: ACFAS 72me Congrs international
1ACFAS - 72ème Congrès international Colloque
n621 11 mai 2004, Montréal
Le droit français permet-il ou encourage-t-il
la décision partagée ? B. CAMHI (1) (2) (3)
A. BREMOND (1) (2) (4)
(1) Centre Régional de Lutte Contre le Cancer
Léon Bérard (2) UMR 5823, CNRS (3) Université
Jean Moulin Lyon 3 (juriste, doctorante) (4)
Université Claude Bernard Lyon 1 (clinicien,
chirurgien)
2Introduction / Définitions
- Création récente dun droit de la santé et dun
droit médical - - Le droit de la santé comprend tous les actes
qui prennent - place dans le circuit de la santé depuis la
prévention jusquà - la guérison ou le décès
- - Le droit médical se limite à laspect
thérapeutique de ce - circuit, notamment par la qualité de ceux qui
lont en charge - les médecins
- Création récente des droits des patients
prérogatives attachées aux personnes faisant
appel au système de santé (sujets de droit placés
dans une situation de vulnérabilité)
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3Introduction / Contexte 1 La remise en cause
socio-idéologique années 1960-1970
- Amérique du Nord
- - Période socialement mouvementée, minorités se
manifestent - - Médecine traverse une crise de confiance
(Reinhard, 1974) - - Patients Bill of Rights, The Rights of
Hospital Patients - France
- - Période sociale mouvementée, majorité manifeste
- - Médecine /s le joug de limpérialisme médical
(Savatier, 1952) - - Circulaire ministérielle du 18 décembre 1970
relative à lhumanisation des hôpitaux cest à
ce médecin que reviendrait le soin de répondre
aux questions que le malade se pose
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4Introduction / Contexte 2 La pression des
progrès scientifiques années 1970-1990
- Amérique du Nord
- - Révolution des technologies de linformation
- - Consumérisme croissant
- - Guides de recommandation pour la bonne pratique
clinique - Europe/ France
- - Avancées considérables dans la connaissance
scientifique et médicale (greffes dorganes et
transplantation cardiaque, fécondation in vitro
bébé-éprouvette, découverte du sida, manipulation
unicellulaire clonage dune brebis) - - Catastrophe de Tchernobyl (nuée de produits
radioactifs aux effets pathogènes certains)
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5Introduction / Contexte 3 La remise en cause de
l honnêteté médicale années 1990-2000
- Affaire du sang contaminé, victimes
post-transfusionnelles du - SIDA mise en cause de médecins et de ministres
responsables, - gt Mouvement associatif propre à la santé
(AIDES,ACT UP,AFD,AFM) - Transmission de fractions tissulaires pathogènes
à loccasion de greffes, injection dhormone de
croissance extraite de cadavres, affaire de la
vache folle et de la maladie de Creutzfeldt
Jacob risques industriels produits par
lamiante infections nosocomiales, affaire de la
légionnellose de lHôpital Européen georges
Pompidou - Evolution de la responsabilité médicale (Cr Cass,
CE) - Etats généraux du Cancer, Etats généraux de la
Santé - gt Regroupement des associations, Revendication
des droits à linformation et à lautonomie
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6Introduction / Contexte 4 L avénement des
droits des patients années 2000-2004
- Procédures daccréditation des établissements de
santé, inscription dans une démarche qualité
notamment sur les Droits et information du
patient - Préparation dun projet de loi sur les droits des
malades 2000-2001 - Vote et promulgation de la loi n2002-303
relative aux droits des malades et à la qualité
du système de santé - gtgtgt Fin progressive du paternalisme médical
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7Objectifs Le droit français permet-il ou
encourage-t-il la décision partagée ?
- Faire état des dispositions du droit positif
français faisant référence à la décision partagée
- (pas une étude de droit comparé
franco-québécois) - Permet de voir si la littérature internationale
pénètre le prisme juridique français - Permet de faire un état des lieux de lévolution
de la relation
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8Méthode
- Sources
- - lecture exhaustive des sources normatives
nationales - (lois, décrets, circulaires, jurisprudences,
doctrine, rapports) - - lecture non-exhaustive des sources normatives
- supranationales (communautaires, européennes,
- internationales chartes, recommandations)
- Sélection
- - recherches dans bibliographie personnelle /
bibliothèques / recherches sur internet
(occurrences) - - uniquement ce qui concerne la prise de
décision, la participation du patient à la
décision (thème de linformation et du
consentement trop large et réitéré dans tous les
textes officiels) - Présentation chronologique
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9Résultats 1
Charte Européenne du malade usager de
lhôpital adoptée par le Comité hospitalier de la
Communauté Economique Européenne en 1979, article
4 Linformation donnée doit permettre au
malade dobtenir un aperçu complet de tous les
aspects, médicaux et autres, de son état, et de
prendre lui-même les décisions ou de participer
aux décisions pouvant avoir des conséquences sur
son bien-être
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10Résultats 2
Charte dOttawa adoptée par la première
Conférence internationale pour la promotion de la
santé, novembre 1986 La promotion de la santé
appuie le développement individuel et social
grâce à linformation, à léducation pour la
santé et au perfectionnement des aptitudes
indispensables à la vie. Ce faisant, elle donne
aux gens davantage de possibilités de contrôle de
leur propre santé et de leur environnement et
les rend mieux aptes à faire des choix judicieux.
Il est crucial de permettre aux gens dapprendre
à faire face à tous les stades de leur vie et à
se préparer à affronter les traumastismes et
les maladies chroniques.
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11Résultats 3
Charte du Patient Hospitalisé annexée à la
circulaire ministérielle n95-22 du 6 mai 1995
Afin que le patient puisse participer
pleinement, notamment aux choix thérapeutiques
qui le concernent et à leur mise en uvre
quotidienne, les médecins et le personnel
paramédical participent à linformation du
malade, chacun dans son domaine de compétence.
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12Résultats 4a
Avis n58 Consentement éclairé et information
des personnes qui se prêtent à des actes de
soin ou de recherche émis par le Comité
consultatif national déthique, juin 1998 De
la sorte, la décision partagée reste la forme de
décision la plus souhaitable la compétence et
la responsabilité du médecin sont idéalement
associées à linformation complète du patient sur
les différentes options qui leur sont offertes
par létat des connaissances pour prendre en
charge en commun, de façon optimale la maladie de
celui-ci.
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13Résultats 4b
Avis n58 Consentement éclairé et information
des personnes qui se prêtent à des actes de
soin ou de recherche émis par le Comité
consultatif national déthique, juin 1998
Parmi ces dangers, le plus évident est celui
dune dérive légaliste et judiciaire où la
relation contractuelle entre service de santé et
consommateur de soins remplace la relation de
confiance personnalisée indispensable à la prise
de décision partagée.
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14Résultats 5
Arrêt Cour dAppel de Dijon, SARL Clinique du Val
Fleuri et al. C/ Mlle Benmedjahed, 25 janvier
2000 Dans la mesure où la patiente
reconnaît que le choix entre les traitements lui
a été offert et quelle la refusé, elle ne peut
soutenir quon ne lui avait présenté que
laspect négatif de la technique proposée
initialement, sans lui faire valoir
ses avantages, et notamment celui déviter
laccident qui sest produit. Il sensuit que
lextravasion, due à la porosité des veines de
la patiente fréquemment sollicitées, constituait
un aléa thérapeutique auquel la patiente informée
a accepté de se soumettre en refusant
limplantation dun site central. La
demande de dommages-intérêts formée à lencontre
du médecin ou de la linique, tenus dune
obligation de moyens, ne peut prospérer, en
labsence de démonstration dune
quelconque faute.
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15Résultats 6 a
Recommandation Rec(2000)5 Le développement de
structures permettant la participation des
citoyens et des patients au processus décisionnel
concernant les soins de santé, adoptée par le
Comité des Ministres du Conseil de lEurope,
février 2000 article14 b Participation à la
décision clinique (constat) Rares sont les
pays où cette possibilité existe au niveau
individuel, dans le cadre de la relation
médecin-patient. Elle se limite le plus souvent
au mode de prise en charge (en institution ou à
domicile). La participation du patient à la
décision thérapeutique pose de nombreuses
questions dues à l état de fragilité inhérent à
la maladie, à l inégalité de niveau
d information entre le médecin et lui, ou à la
spécificité de la relation médecin-malade.
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16Résultats 6b
Recommandation Rec(2000)5 Le développement de
structures permettant la participation des
citoyens et des patients au processus décisionnel
concernant les soins de santé, adoptée par le
Comité des Ministres du Conseil de lEurope,
février 2000 Les principes minimaux suivants
devraient être reconnus - l information
donnée au patients doit être accessible et
loyale. Le patient participe aux choix
thérapeutiques qui le concernent.
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17Résultats 6c
Recommandation Rec(2000)5 Le développement de
structures permettant la participation des
citoyens et des patients au processus décisionnel
concernant les soins de santé, adoptée par le
Comité des Ministres du Conseil de lEurope,
février 2000 Dun point de vue individuel,
limplication des patients et des usagers devrait
permettre daugmenter les résultats sanitaires et
d améliorer la satisfaction des patients. En
guise de bénéfice, on peut supposer quune
meilleure utilisation des services pourrait à
terme entraîner une diminution des plaintes
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18Résultats 6d
Recommandation Rec(2000)5 Le développement de
structures permettant la participation des
citoyens et des patients au processus décisionnel
concernant les soins de santé, adoptée par le
Comité des Ministres du Conseil de lEurope,
février 2000 Les gouvernements devraient créer
des conditions favorables à la participation et à
la responsabilisation dans les processus de
décision en matière de santé A cet effet, ils
devraient - instituer ou renforcer les
mécanismes et/ou structures permettant cette
participation être à l écoute des patients
devrait être une préoccupation constante -
instaurer une évaluation permanente des processus
participatifs dynamiques dans lesquels
interviennent les patients
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19Résultats 6e
Recommandation Rec(2000)5 Le développement de
structures permettant la participation des
citoyens et des patients au processus décisionnel
concernant les soins de santé, adoptée par le
Comité des Ministres du Conseil de lEurope,
février 2000 Lignes directrices I.La
participation du citoyen et du patient en tant
que processus démocratique 1. La possibilité pour
les citoyens et les patients de participer,
s ils le souhaitent, aux processus de décision
en matière de santé doit être considéré comme un
droit fondamental faisant partie intégrante de
toute société démocratique.
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20Résultats 7
Rapport Informations des patients -
Recommandations destinées aux médecins, Agence
Nationale dAccréditation et dEvaluation en
Santé, mars 2000 Mais, il serait fâcheux qu'une
pratique quotidienne soit guidée par la
perspective d'un procès éventuel. Une activité
professionnelle de quelque nature qu'elle soit
doit être pensée de façon à garantir au
partenaire la qualité du service fait. Aussi,
a-t-il paru fondamental que la création de
recommandations sur l'information du patient par
les médecins soit envisagée de manière positive
dans cette perspective, l'information est
considérée comme un élément d'une pratique
médicale normale permettant une prise de décision
partagée.
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21Résultats 8a
Loi n2002-303 relative aux droits des malades et
à la qualité du système de santé, 4 mars 2002,
art. L 1111-2 al. 1 CSP Toute personne a le
droit d'être informée sur son état de santé.
Cette information porte sur les
différentes investigations, traitements ou
actions de prévention qui sont proposés, leur
utilité, leur urgence éventuelle,
leurs conséquences, les risques fréquents ou
graves normalement prévisibles qu'ils comportent
ainsi que sur les autres solutions possibles et
sur les conséquences prévisibles en cas de refus.
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22Résultats 8b
Loi n2002-303 relative aux droits des malades et
à la qualité du système de santé, 4 mars 2002,
article L. 1111-4 al.1 CSP Toute personne
prend, avec le professionnel de santé et compte
tenu des informations et des préconisations qu'il
lui fournit, les décisions concernant sa
santé. - entre le modèle du patient décideur
et le modèle de la décision partagée -
préconisations devoir de conseil /
informations devoir de renseignement
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23Conclusion Résultats
- Les textes ne comportent pas de références
directes à la décision partagée ou à ses
caractéristiques. - Cf. définition apportée par C. Charles et al (BMJ
1999) - rien sur léchange bilatéral dinformation
- rien sur le recueil et/ou la révélation des
préférences du patient - très peu de choses sur une éventuelle
délibération interactive se rapportant à al
discution des options thérapeutiques notamment - Pourquoi ?
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24Discussion 1 Un problème de définition
- Un problème de traduction shared
decision-makingprocessus de décision
partagée décision partagée est un raccourci
terminologique ambigü - Un amalgame opéré entre
partage de décision, participation à la
décision et décision partagée - Un problème
de compréhension cf. similitude avec lexpression
secret partagé décision partagée avec les
médecins puis léquipe
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25Discussion 2 Un problème dinformation
- Le fait précède le droit et celui-ci nest
donc pas encore sensible à ces travaux marginaux
et novateurs en France - Méconnaissance de la
définition de la décision partagée car la
littérature anglosaxonne, largement dominante sur
le sujet, quelle soit conceptuelle ou empirique,
ne pénètre que très rarement, voire jamais, la
doctrine juridique française - Lobligation faite
au médecin dinformer le patient dans le but
dobtenir son consentement libre et éclairé
avant toute intervention (oui) ou son refus de
soins (non) est considérée par une grande
majorité comme étant déjà une forme de décision
partagée
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26Discussion 3 Un problème de résistance (1)
La loi du 4 mars 2002 était annoncée par ses
rédacteurs comme opérant un changement
quasi-révolutionnaire Le nouveau texte
sadresse aux malades. Cest un changement
profond que je qualifierai de philosophique, bien
au-delà de lévolution nécessaire de
lorganisation et des soins Il sagit, ce
faisant, de réquilibrer la relation
médecin-malade pour quelle devienne autant la
relation malade-médecin (B. Kouchner,
Ministre de la Santé, 2001)
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27Discussion 4 Un problème de résistance (2)
Au lendemain de la promulgation de la loi, les
premiers commentaires du texte ont cru y voir un
réel changement Cette loi accorde une plus
grande autonomie du patient en matière de soins
médicaux, afin dassurer une plus grande égalité
dans les rapports du médecin et du patient ce qui
postule une information approfondie et un
consentement parfaitement éclairé (Pr M.
Harichaux, 2002)
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28Discussion 5 Un problème de résistance (3)
- Changement en demi-teinte car
- - si la forme, la formulation, la sémantique
choisie empruntent un langage fort souvent
synonyme en droit de profonds changements (de
type déclaration, constitution Toute
personne...), - - les concepts juridiques fondamentaux nont pour
autant pas foncièrement évolués (principes
dautonomie, de consentemnt, échange et accord de
volontés, consensualisme) - Or, selon nous, la décision partagée, en ce
quelle conduit à la révélation des préférences
du patient et à un accord dans le processus de
soins, aboutirait à la formulation dun véritable
consentement libre et éclairé aux soins et donc à
un échange de volontés fondant un contrat
synallgmatique parfait entre le médecin et le
patient.
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29Discussion Un problème de résistance (4)
- Lacceptation de se conformer aux préférences du
patient (et donc y compris au refus de soins)
renvoie le médecin et le juriste français au
consentement tel quil est pensé dans la
philosphie anglo-saxonne, cest-à-dire au concept
dautodétermination et aux principes du right of
privacy. - Cest à ce mode de pensée, peu compatible avec le
droit civil français, et les habitudes - toujours
persistantes - de paternalisme médical, que les
médecins et les juristes semblent vouloir
résister. - Le temps est peut-être venu pour les (juristes)
français daccepter que ce soit le droit canadien
et québécois qui influencent désormais le droit
français
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30Conclusion Le droit français permet-il ou
encourage-t-il la décision partagée ?
- Oui, il le permet dans la mesure où il ne
linterdit pas - Oui, lesprit de la loi du 4
mars 2002 lencourage - Non, la lettre de la loi
du 4 mars 2002 ne lencourage pas - Non, les
autres sources juridiques nationales ne
lencourage pas -Oui, les sources juridiques
supranationales lencouragent mais pas en tant
que telle
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31Perspectives (cf. problématique et enjeux de ce
colloque)
La recherche sur notre thématique, qu elle
soit anglo-saxonne ou francophone, souffre dun
manque notoire de diffusion de ses travaux au
sein même de la communauté médicale et plus
largement de la communauté scientifique et
politique. (Cf. projet CLB - GRESAC) Créer
à horizon 2004-2005 un véritable réseau de
partenaires francophones, professionnels de la
santé, chercheurs, enseignants, formateurs et
décideurs, capables à travers leurs
collaborations, de franchir cet obstacle afin
dimplémenter dans la pratique clinique courante
linformation de qualité dispensée aux patients
et la décision partagée. collaborer notamment
pour la recherche d un statut juridique de la
décision partagée ...
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